Dossier spécial : Après-demain, le climat , partie 4

Nos villes grandiront-elles de l’intérieur?

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06 juillet 2020 - Diane Bérard, Journaliste de solutions

Le Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM) réalise depuis 25 ans des projets d’aménagement et de participation citoyenne qui contribuent à bâtir des villes à échelle humaine : plus écologiques, plus démocratiques et plus en santé. Unpointcinq a rencontré la directrice générale de l’organisme, Véronique Fournier. Elle explique comment les réponses à la crise sanitaire pourraient rendre nos villes plus résilientes face au climat.

Durant le confinement, tous ont constaté que vivre dans une ville désertée, c’est un peu troublant. Pourquoi?

Véronique Fournier

 

La pandémie nous a rappelé notre rapport vital à l’espace public. En mars et en avril, nous avions l’impression de vivre dans un décor du Far West. Un peu plus et on voyait des buissons roulant dans les rues! Une ville est une ville quand elle est animée, quand il y a des échanges.

Pendant la pandémie, on a fait l’amalgame entre densité de la population et propagation du virus. Casserons-nous cet amalgame?

Au début de la crise, ce discours était récurrent, mais il disparaît graduellement du récit collectif à mesure que les connaissances sur la transmission du virus se raffinent. Ce qui demeure toutefois pertinent, ce sont les réflexions liées au design urbain à privilégier pour rendre la ville plus équitable pour les citoyens vulnérables (personnes en situation de pauvreté, piétons, cyclistes, aînés, enfants, etc.), plus résiliente (face aux chocs climatiques) et plus agréable.

Une ville peut-elle être à la fois dense et résiliente?

Oui. Cela se traduit, par exemple, dans le spectre de l’offre d’habitation et l’aménagement de celle-ci. Il faut des balcons et des espaces semi-privés, comme des cours partagées, pour désengorger les espaces publics. Et des édifices à logements et à condos conçus sur plusieurs niveaux, pour faciliter la distanciation.

Si nos villes avaient été mieux adaptées à la crise climatique, auraient-elles été mieux préparées à la crise sanitaire?

Si nous avions dès le départ envisagé la crise climatique comme un enjeu de santé publique qui exige une réponse collective (et non des actions individuelles), nous aurions organisé nos villes autrement. Elles seraient aujourd’hui aménagées et équipées de manière à atténuer les effets d’une pandémie. De bonnes conditions de logement, des rues bordées d’arbres et des quartiers qui facilitent l’accès à des espaces verts atténuent les effets négatifs d’une crise climatique aussi bien que ceux d’une crise sanitaire, surtout lorsqu’on vit en ville.

La crise sanitaire pourrait-elle nous aider à adapter nos villes plus rapidement à la crise climatique?

Je crois que oui. La pandémie a révélé les failles de l’aménagement urbain (manque d’espaces privés et semi-privés, d’espaces verts, etc.) et forcé des ajustements temporaires et des expérimentations qui vont dans le sens de l’adaptation à la crise climatique. Je fais référence à toutes les tentatives de redéployer l’espace public : rues lentes, rues partagées, rues familiales, corridors actifs, etc. Les villes ont aussi adopté des mesures à un rythme qu’elles n’auraient jamais imaginé possible.

La crise sanitaire a resserré les liens entre les citadins et  leurs parcs. Comment entrevoyez-vous l’avenir de cette relation, sur fond de crise climatique?

Les parcs sont les poumons des villes et le refuge des citadins. Ils pourraient ainsi être appelés à jouer un rôle important dans la gestion de la crise climatique. J’entrevois entre autres une montée des initiatives citoyennes relatives à l’appropriation des parcs. Parallèlement aux organismes existants comme Les amis de la montagne, la Coalition des amis du parc Jarry et Les amis du parc Angrignon, de nouvelles associations pourraient voir le jour pour transformer les parcs en des lieux que les citoyens peuvent animer selon les besoins de leur quartier. L’exemple le plus célèbre est celui de Bryant Park, un espace de 3,9 hectares dans Manhattan. Après des années de dérive, ce parc a été réhabilité et rouvert en 1992. Il s’y déroule plus de 1000 activités par jour : spectacles, yoga, pétanque, échecs, conférences, etc. Bryant Park est géré par des citoyens et financé par des bailleurs de fonds privés et publics.

Tout rassemblement est devenu synonyme de danger. Mais l’espace urbain extérieur est aussi devenu vital. Comment composer avec cette tension?

Il y a deux aspects : la confiance et le plaisir. Pour que les citoyens retournent dans l’espace public, ils doivent avoir confiance. Les aménagements doivent leur permettre de se sentir en sécurité. Mais si on se contente de délimiter de nouvelles surfaces piétonnes en plaçant des cônes orange et des clôtures en métal, l’attrait n’est pas au rendez-vous. Les installations d’urgence des premières semaines doivent faire place à des aménagements conviviaux qui donnent envie de flâner ou de faire une halte.

La distanciation physique limitera l’espace que nous pouvons occuper dans les villes pour plusieurs mois encore, peut-être plus. Comment peut-on distribuer cet espace de façon équitable entre les utilisateurs?

Tout dépend de ce que l’on entend par équitable. Est-il question de servir les citoyens plus vulnérables – les piétons, les enfants, les personnes à mobilité réduite? Parle-t-on d’équité en santé, pour privilégier les besoins des utilisateurs des quartiers aux conditions sociodémographiques défavorables? Comme vous le constatez, nous devons tenir compte de critères autres que le poids démographique ou économique des utilisateurs pour décider de l’allocation de l’espace.

Dans une lettre ouverte publiée dans La Presse le 30 mai 2020, vous affirmez que les municipalités québécoises manquent de données pertinentes pour partager adéquatement l’espace public. Quel type d’information fait défaut?

On connaît les déplacements des véhicules, mais on ignore, par exemple, combien de piétons circulent dans l’espace public, leur profil (jeunes, aînés, enfants, familles, travailleurs, etc.), leurs parcours et la nature de leurs déplacements. Un parcours emprunté surtout par des aînés doit inclure davantage de lieux de halte, par exemple. Des villes comme Copenhague, Vancouver et New York font un excellent travail de collecte de ce type d’information. À Montréal, on ne collige pas ces données de façon systématique.

En juin, la mairesse a cependant annoncé trois initiatives qui permettront de recueillir davantage de données sur les déplacements terrestres des Montréalais. D’abord, on procédera à l’ajout de compteurs sur les pistes cyclables et sur les nouvelles voies actives sécuritaires afin de connaître les habitudes des citoyens et l’achalandage réel. Ensuite, les nouveaux parcours issus de la COVID-19 seront évalués par un organisme spécialisé en accessibilité universelle. Enfin, les aménagements de transport issus de la pandémie seront évalués par trois chaires universitaires (UQAM, Polytechnique Montréal et INRS). C’est encourageant.

Vous mettez les élus en garde contre l’élaboration de politiques urbaines qui s’appuient sur des « expériences anecdotiques ». Que voulez-vous dire?

Certains commerçants résistent à la piétonnisation de leur artère ou à l’ajout de pistes cyclables parce qu’ils estiment que cela va nuire à leurs affaires. Or, leur opinion repose souvent sur une perception et non sur une connaissance fine de leur clientèle.

Quelle solution la ville de Toronto a-t-elle adoptée pour l’une de ses principales artères marchandes, la rue Bloor? 

Entre 2009 et 2017, la ville de Toronto a retiré les espaces de stationnement de trois sections de la rue Bloor et les a transformés en pistes cyclables. Chaque fois, les commerçants se sont élevés contre le projet. Ils ont affirmé que plus de la moitié de leurs clients faisaient leurs courses en voiture. Mais il s’agit d’un biais : étant donné que ces commerçants venaient en voiture, ils ont probablement présumé que leurs clients en faisaient autant. On combat les biais par des faits.

Dès 2009, Toronto a demandé à l’OBNL The Centre for Active Transportation de mener une étude détaillant la fréquentation du tronçon de la rue Bloor nommé The Annex. Cette étude a démontré qu’à peine 10 % des clients y venaient en voiture; que ceux qui fréquentaient ce tronçon le plus souvent et qui y dépensaient le plus par mois étaient des piétons et des cyclistes; que les espaces de stationnement sur rue retirés au profit de la piste cyclable pouvaient être compensés par les stationnements hors rue. Et que, même en période de pointe, jamais plus de 80 % des places de stationnement payantes sur la rue étaient occupées.

Finalement, le constat le plus surprenant de cette étude est le fait que, parmi les commerçants sondés, ceux qui estimaient que leur chiffre d’affaires augmenterait grâce aux pistes cyclables étaient plus nombreux que ceux qui entrevoyaient une perte de revenus. Les détaillants optimistes ont eu raison : les ventes des détaillants de la rue Bloor ont augmenté plus rapidement que celles de leurs homologues des quartiers voisins.

On parle beaucoup de réallouer l’espace public existant. Mais on voit émerger une autre avenue : le verdissement de l’espace public…

En effet, c’est une solution climat qui a l’avantage de mettre les citoyens à contribution puisque ce sont eux qui accomplissent les travaux de déminéralisation – le retrait des zones asphaltées ou bétonnées. Alors que l’enjeu climatique semble souvent hors de portée, trop gros et trop complexe, notre programme « Sous les pavés » permet aux citoyens de passer à l’action. Ces derniers peuvent en effet réduire les îlots de chaleur et améliorer la gestion des eaux pluviales en remplaçant les zones asphaltées par des zones végétalisées. Depuis trois ans, treize projets ont été menés, pour un total de 2000 m2 de terrain libéré de béton (NDLR : soit l’équivalent d’environ douze terrains de volleyball). Ces projets ont mobilisé 620 bénévoles qui y ont consacré 3200 heures. Au total, 3800 végétaux ont été plantés.

L’initiative, financée par le programme Action-Climat Québec, le Fonds vert et la banque TD, nous a valu un prix au concours Novae des 20 meilleures innovations à impact, en mai 2020. Nous sommes sur le point de franchir une autre étape. On travaille, entre autres, à une version « Sous les pavés » adaptée aux cours d’école.

La pandémie a soulevé la question de l’autonomie alimentaire. Dans un monde post-COVID, quel rôle jouera l’agriculture urbaine?

La pandémie a incité plusieurs citoyens à démarrer un petit potager ce printemps. Mais au-delà de ces actions isolées, on assiste à une systématisation de certaines démarches. À Trois-Rivières, par exemple, l’OBNL La Brouette a toujours pratiqué l’agriculture urbaine dans le but de sensibiliser la population et de stimuler sa curiosité. Cet été, l’organisme passe en mode production sur une parcelle du parc municipal Roger-Guilbault. Les récoltes seront offertes à deux organismes de distribution alimentaire. Trois-Rivières a aussi mis le terrain de l’ancienne église St-Philippe à la disposition des citoyens, qui y cultivent des aliments à partager. Ce sont des exemples tirés de l’espace public. On verra aussi l’espace privé se redéployer au profit de l’agriculture urbaine. Le meilleur exemple est celui du potager sur le toit du IGA extra Famille Duchemin, dans l’arrondissement Saint-Laurent à Montréal.

Le consommateur post-COVID : impatient, inquiet, conscient

Après-demain, le climat

Selon diverses études, la consommation des ménages serait responsable de 60 % à 75 %* des émissions des gaz à effet de serre (GES) de la planète. Et des changements dans nos comportements de consommation pourraient entraîner jusqu’à 75 %** de la réduction des GES d’ici 2050. Quelles traces pourrait laisser la pandémie dans notre cerveau de consommateur? Pour le savoir, Unpointcinq s’est entretenu avec Myriam Ertz, professeure au Département des sciences économiques et administratives de l’Université du Québec à Chicoutimi. Elle y est aussi responsable du Laboratoire sur les nouvelles formes de consommation.