Dossier spécial : (In)justice climatique , partie 4

Femmes et changements climatiques: entretien avec Marianne-Sarah Saulnier

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©Shutterstock/Color Chaser
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Partout dans le monde, les femmes sont souvent les premières victimes des bouleversements liés au climat, les inégalités de genre les rendant plus vulnérables . Tour d’horizon des multiples façons dont se font sentir ces disparités. Ici et ailleurs.

 
Marianne-Sarah Saulnier est anthropologue et chercheuse spécialisée en intersectionnalité et analyse différentiée selon les sexes et intersectionnelle (ADS+) à lObservatoire québécois des inégalités. Aussi vice-présidente du Conseil des Montréalaises, elle a accepté de nous rencontrer pour discuter de justice climatique et d’inégalités de genre. 

 

Il faut prendre en considération que toutes les situations de crise créent des inégalités et les exacerbent. Durant la pandémie, les riches sont devenus plus riches et les pauvres, plus pauvres. C’est la même chose avec la crise climatique : elle exacerbe les inégalités qui existent déjà dans la société.
Marianne-Sarah Saulnier, chercheuse spécialisée en intersectionnalité et analyse différentiée selon les sexes et intersectionnelle (ADS+) à l’Observatoire québécois des inégalités

©Courtoisie

En quoi les changements climatiques contribuent-ils à renforcer les inégalités de genre?

L’ONU a déclaré que les femmes ont 14 fois plus de risques de mourir que les hommes lorsqu’il y a une catastrophe climatique. Elles ont été les principales victimes du tsunami en Indonésie en 2004 et des cyclones au Bangladesh et au Pakistan. Ce qui explique cela? La manière dont les rôles entre les hommes et les femmes sont répartis dans la société.

Nous associons souvent les femmes à la nature et à l’environnement : dans de nombreux pays, elles ont la responsabilité d’aller chercher de l’eau, du bois, de faire à manger, s’occupent des personnes à charge, etc. Si les femmes doivent marcher plus loin pour aller chercher de l’eau ou du bois en raison des effets des changements climatiques, cette charge supplémentaire rend leurs journées encore plus longues et leur travail plus difficile.

Les effets des changements climatiques peuvent aussi impliquer pour les femmes un éloignement géographique. Or, s’éloigner de leur village natal peut menacer leur sécurité. Une augmentation des viols et des violences sexuelles en raison d’enjeux comme ceux-là est souvent observée.

Voici un autre exemple d’inégalités : dans le monde, le taux d’analphabétisme des femmes est plus élevé que celui des hommes. Souvent tenues loin des réseaux de communication, elles ont un accès limité à l’information, [il est donc difficile pour elles de] savoir ce qui se passe, où s’enfuir et à quel moment, lorsqu’un évènement climatique extrême survient. Ce sont différents facteurs qui peuvent les mettre davantage en danger.

À une échelle plus locale, quels sont les effets des changements climatiques sur les femmes québécoises et canadiennes?

Il faut prendre en considération que toutes les situations de crise créent des inégalités et les exacerbent. Durant la pandémie, les riches sont devenus plus riches et les pauvres, plus pauvres. C’est la même chose avec la crise climatique : elle exacerbe les inégalités qui existent déjà dans la société.

Les changements climatiques font notamment augmenter le prix des denrées. Sachant que les femmes sont moins riches que les hommes, l’augmentation du prix des aliments a un impact sur leur sécurité alimentaire.

Les femmes tiennent aussi à bout de bras les systèmes de santé. Au Canada, la proportion de femmes dans le secteur de la santé atteint presque 80 %. Lors des vagues de chaleur par exemple, le système est souvent engorgé, ce qui entraîne des conséquences sur le travail des femmes. C’est également ce qu’il s’est passé pendant la COVID-19 et c’est ce qui va arriver plus fréquemment avec les changements climatiques.

On a aussi tendance, dans les pays du Nord comme au Canada, à faire porter le fardeau de la transition socioécologique aux femmes. On entend souvent que, pour faire face au changement climatique, il faut recycler, composter, faire des produits Do It Yourself (DIY) naturels, des lunchs pour les enfants avec des contenants qui sont recyclables ou réutilisables, etc. Mais toutes ces tâches-là tombent dans la cour des femmes.

Certains groupes de femmes sont-ils plus à risque?

On ne peut pas commencer à hiérarchiser la douleur et la vulnérabilité. Mais nous savons qu’il y a des facteurs qui sont vraiment plus vulnérabilisants que d’autres. À l’Observatoire québécois des inégalités, on est par exemple en train d’explorer le lien entre la transition socioécologique et les personnes qui vivent l’itinérance.

Les populations itinérantes ont beaucoup de difficulté à être résilientes face au changement climatique. Très peu d’outils leur sont donnés pour s’adapter. Par exemple, durant les grandes chaleurs, où peuvent-elles se réfugier? La situation des femmes dans des refuges est encore plus difficile : elles n’ont parfois aucun espace sécuritaire séparé des hommes, ce qui accentue leur vulnérabilité.

Quels sont les enjeux qui touchent plus directement les Montréalaises?

Moins tu as d’argent dans la vie, moins tu as d’outils pour être capable de t’en sortir. Prenons l’exemple du logement. De manière générale, les femmes gagnent moins d’argent que les hommes au Canada. Quand on analyse qui occupe les logements à prix modique ou les HLM à Montréal, on se rend compte qu’ils sont souvent habités par des femmes et des femmes racisées, [à la tête d’une famille] monoparentale. Ces logements sont souvent vétustes et mal équipés pour contrer les écarts de température.

À Montréal, il y a par ailleurs une grande inégalité dans la disposition des espaces verts. Les quartiers défavorisés ont davantage d’îlots de chaleur, avec des habitations sans cour ni balcon. La question se pose de savoir comment se rafraîchir et rafraîchir ses enfants dans un contexte de canicules.

Au Conseil des Montréalaises, nous avons d’ailleurs établi la corrélation entre les quartiers les plus pauvres, les îlots de chaleur et les inondations. Les cartes des inondations et des pics de chaleur correspondent presque parfaitement avec le niveau de défavorisation matérielle et sociale de 11 quartiers de Montréal.

Il y a donc un lien entre cette défavorisation et la résilience face aux changements climatiques. Et dans ces quartiers-là, il y a une proportion majoritaire de femmes [à la tête d’une famille] monoparentale et racisées.

Quelles sont les pistes de solution?

Dans une série d’entretiens menés par le Conseil des Montréalaises, les femmes exprimaient leur envie de s’impliquer. On a remarqué qu’il y a une majorité de femmes dans les regroupements pour l’environnement. Statistiquement, les femmes sont aussi moins climatosceptiques que les hommes. Donc, cet engagement-là existe déjà.

Le problème, c’est que les femmes ne sont pas écoutées, et leurs projets ne sont pas financés. Nous proposons non seulement d’écouter leurs initiatives, mais aussi de financer en priorité les quartiers qui en ont besoin, comme, à Montréal, les 11 arrondissements identifiés dans l’avis que le Conseil des Montréalaises a produit en 2022.

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