Dossier spécial : Îles-de-la-Madeleine , partie 3

Aménager la résilience

Au pied des falaises en érosion dans le secteur du Havre-Aubert, la plage de galets a été rehaussée afin de protéger le site patrimonial de La Grave.
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Au pied des falaises en érosion dans le secteur du Havre-Aubert, la plage de galets a été rehaussée afin de protéger le site patrimonial de La Grave. ©Simon Van Vliet
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25 mars 2025 - Simon Van Vliet, Journaliste de l'Initiative de journalisme local

3/3 En première ligne des changements climatiques, les Îles-de-la-Madeleine sont un microcosme d’adaptation et d’innovation. C’est particulièrement vrai lorsqu’on évoque l’aménagement d’infrastructures côtières résilientes face aux risques d’érosion et de submersion, thème de ce dernier volet.

Reportage produit dans le cadre des bourses d’excellence de l’Association des journalistes indépendants du Québec.

« C’est tout un chantier, tout un défi! », lance Pascal Bernatchez, titulaire de la Chaire de recherche en géoscience côtière de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Avec l’équipe du Laboratoire de dynamique et de gestion intégrée des zones côtières, il suit l’évolution du littoral madelinot depuis une vingtaine d’années. Et ce qu’il voit? Les Îles sont appelées à « vivre les changements avant le reste du Québec ».

Le souvenir des tempêtes Dorian, en 2019, et Fiona, en 2022, est encore vif dans les mémoires. « L’archipel a dû procéder à plusieurs évacuations, fermer des routes et déclarer l’état d’urgence, rappelle une étude de résilience climatique publiée par le et de la Mobilité durable des Transports du Québec (MTMDQ) en janvier 2025. […] Les infrastructures routières ont été particulièrement touchées, avec des parties de routes et de pistes cyclables affaissées et endommagées. »

Mais l’événement « déclencheur » qui a poussé le MTMDQ à investir de façon importante dans la protection de ses infrastructures aux Îles remonte à une quinzaine d’années déjà, souligne Julie Marcoux, conseillère en communication au ministère. En 2010, un épisode de grandes marées avait submergé la route 199, et des vagues puissantes avaient entraîné, du jour au lendemain, une érosion des berges de 15 à 25 mètres par endroits.

C’est aux Îles qu’on a mesuré les plus importants « reculs événementiels » de ce type, observe Jasmine Solomon, cheffe de section en action climatique à la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine. « On a le record au Québec, qui est de 29 mètres en une seule tempête », confie-t-elle.

À l’avant-scène des dérèglements du climat, la Municipalité a donc été l’une des premières au Québec à se doter d’un Cadre d’intervention en érosion et submersion côtières et à déposer un ambitieux plan d’action en transition climatique au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation.

Jasmine Solomon, cheffe de section en action climatique à la municipalité, lors d’une visite d’inspection de la recharge de plage à La Grave.
Jasmine Solomon, cheffe de section en action climatique à la municipalité, lors d’une visite d’inspection de la recharge de plage à La Grave. ©Simon Van Vliet

Génie végétal et génie humain en symbiose

La liste des projets visés témoigne non seulement de la diversité des enjeux et de la complexité des défis que doit relever la collectivité maritime, mais également du caractère innovant de certaines stratégies d’adaptation envisagées. « Je pense qu’on a acquis une expertise ici avec le temps », note Jasmine Solomon, évoquant notamment les interventions de végétalisation des côtes.

Depuis 2009, l’organisme Attention FragÎles mène en effet des projets de renforcement des dunes et de restauration écologique des milieux dunaires, grâce à des actions communautaires de plantation dans des secteurs particulièrement sensibles à l’érosion. Plantée au pied des dunes, l’ammophile à ligule courte, mieux connue comme le foin de dune, aide à retenir et à accumuler naturellement le sable dans les cordons dunaires.

« L’ammophile est extraordinaire pour stabiliser [les dunes] », note Yves LeBlanc. Depuis quelques années, il s’intéresse également aux propriétés du myrique des îles (une sous-espèce du myrique de la Pennsylvanie), une plante endémique de l’archipel, qui contribue à renforcer les berges en plus de capter du carbone en fixant l’azote dans le sol. Avec l’Alliance Myrique, son entreprise, il a planté plus de 1200 plants aux Îles l’an dernier dans le cadre du programme de certification Protecteur des berges, lancé en 2023. Selon lui, les Îles sont en voie de devenir un « laboratoire » unique pour tester de nouvelles approches de « génie végétal » à petite échelle.

La vulnérabilité des liens – des liens routiers, des liens de communication –, elle est là, la fragilité aux Îles.
Christian Fraser, UQAR

Mais à plus grande échelle, l’archipel est également un banc d’essai pour certaines pratiques d’ingénierie inédites au Québec, comme la recharge massive de plage, qui utilise du sable de dragage et des tubes géotextiles en remplacement des pratiques d’enrochement. « L’enrochement, c’est correct encore quand on va perdre une infrastructure, quand on est en mode urgence », souligne Jasmine Solomon. Reste que l’idée d’utiliser une ressource locale plutôt que de la roche importée pour réaliser des ouvrages de protection représente une piste prometteuse pour les infrastructures insulaires menacées par l’érosion.

La recharge massive de plage apparaît comme une solution intéressante, mais le défi est titanesque : un projet-pilote à Pointe-aux-Loups en 2023 a nécessité plus de 120 000 m3 de sable, dont une partie a déjà été emportée au large. Pour freiner cette migration naturelle et prévisible du sable vers la mer, les dunes ont été en partie revégétalisées après les travaux.

Réalisé au coût de 37 millions de dollars, ce projet incluait également l’installation d’un système de pompage qui permet d’acheminer du sable récupéré lors des opérations de dragage du chenal de la Grande-Entrée vers un site d’entreposage à proximité. « Ce sont des choses qu’on va pouvoir répéter plus facilement et à moindre coût », note la porte-parole du MTMDQ Julie Marcoux. Un second projet de géotubes est d’ailleurs déjà dans les cartons pour un autre segment de la route 199 dans le secteur de La Martinique.

En tout et pour tout, le MTQ a consacré, entre 2018 et 2023, près de 90 millions de dollars pour sécuriser certains tronçons routiers particulièrement vulnérables de la route 199 qui serpente entre la mer et les lagunes sur de minces cordons dunaires reliant l’archipel d’est en ouest.

« La vulnérabilité des liens – des liens routiers, des liens de communication –, elle est là, la fragilité aux Îles », souligne Christian Fraser qui travaille avec Pascal Bernatchez à l’UQAR.

On peut toujours essayer de sauver la route, mais certaines infrastructures insulaires sont plus ou moins condamnées. En 2023, la Municipalité a ainsi dû se résoudre à cesser de desservir une section du chemin des Chalets, à La Martinique, où Fiona avait frappé durement, détruisant une résidence principale. Dans le secteur de la pointe de Grande-Entrée, plusieurs bâtiments sont désormais jugés à risque de « submersion imminente ».

Parfois, ce ne sont pas les infrastructures qui doivent faire preuve de résilience, mais les humains qui en dépendent.

Découvrez le reste de notre dossier spécial Îles-de-la-Madeleine avec Soigner le mal des transports et Renouveler l’énergie

Afin de protéger les milieux dunaires, la circulation en véhicules tout-terrain n'est permise que dans des sentiers identifiés.
Afin de protéger les milieux dunaires, la circulation en véhicules tout-terrain n'est permise que dans des sentiers identifiés. ©Simon Van Vliet

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