Dossier spécial : Les villes en mode solution , partie 3

À vos poubelles, prêts, réduisez! (et ça presse)

Camion poubelle
array(26) { ["ID"]=> int(42921) ["post_author"]=> string(2) "60" ["post_date"]=> string(19) "2021-10-08 06:00:42" ["post_date_gmt"]=> string(19) "2021-10-08 10:00:42" ["post_content"]=> string(0) "" ["post_title"]=> string(52) "À vos poubelles, prêts, réduisez! (et ça presse)" ["post_excerpt"]=> string(251) "Les Québécois gagneraient à s’intéresser à leurs poubelles et les élections municipales constituent une occasion en or de mettre sur la table ce sujet peu sexy. Sinon, ils risquent bien d’en payer le prix fort, au propre comme au figuré. " ["post_status"]=> string(7) "publish" ["comment_status"]=> string(6) "closed" ["ping_status"]=> string(6) "closed" ["post_password"]=> string(0) "" ["post_name"]=> string(43) "a-vos-poubelles-prets-reduisez-et-ca-presse" ["to_ping"]=> string(0) "" ["pinged"]=> string(0) "" ["post_modified"]=> string(19) "2021-10-13 08:52:51" ["post_modified_gmt"]=> string(19) "2021-10-13 12:52:51" ["post_content_filtered"]=> string(0) "" ["post_parent"]=> int(0) ["guid"]=> string(30) "https://unpointcinq.ca/?p=42921" ["menu_order"]=> int(0) ["post_type"]=> string(4) "post" ["post_mime_type"]=> string(0) "" ["comment_count"]=> string(1) "0" ["filter"]=> string(3) "raw" ["header"]=> string(4) "blog" ["displayCategories"]=> bool(true) }
©Wisutti/Shutterstock
Created with Lunacy 3 min

Retombées positives générales

08 octobre 2021 - Maxime Bilodeau, En paix avec ses contradictions

Les Québécois gagneraient à s’intéresser à leurs poubelles et les élections municipales constituent une occasion en or de mettre sur la table ce sujet peu sexy. Sinon, ils risquent bien d’en payer le prix fort, au propre comme au figuré.

Les statistiques ne mentent pas : les Québécois sont des champions de l’« élimination », c’est-à-dire de l’enfouissement et de l’incinération des déchets.

Selon Recyc-Québec, les quantités totales de matières résiduelles éliminées au Québec ont augmenté d’un peu plus de 9 % entre 2015 et 2019. Cette année-là, 722 kg de résidus par habitant n’ont pas été valorisés, un sommet depuis 10 ans. La société d’État révélait d’ailleurs en mai dernier que l’économie de la province n’est circulaire qu’à 3,5 %, ce qui signifie qu’elle participe activement à l’épuisement des ressources naturelles. Triste constat.

Notre penchant pour l’élimination n’est pas sans conséquence. D’une part, il faut savoir qu’au Québec, les déchets sont responsables de l’émission de 4,1 millions de tonnes d’équivalent CO2 par année, soit 5,1 % des gaz à effet de serre de la province. D’autre part, plusieurs lieux d’enfouissement techniques — des dépotoirs, en somme — sont saturés et cherchent à agrandir leurs installations. C’est entre autres le cas à Sainte-Sophie, Lachenaie et Bury. Dans le cas du site de Saint-Nicéphore, à Drummondville, il aura fallu l’intervention du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques Benoit Charette pour imposer le projet après des années d’opposition citoyenne et de démarches judiciaires.

Sur les 1100 municipalités du Québec, environ 600 offrent désormais la collecte des matières organiques. Lorsqu’on propose des solutions de rechange à l’enfouissement, les citoyens sont au rendez-vous.Mathieu Rouleau, président de l’Association des organismes municipaux de gestion des matières résiduelles

Ces demandes d’agrandissement sont à l’origine de l’enquête du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) relative à la disposition des résidus ultimes — autrement dit, les déchets qui ne sont plus valorisables – sur l’ensemble du territoire québécois. Le rapport du BAPE dressera le portrait actuel de l’élimination des matières résiduelles au Québec ainsi que celui anticipé pour les deux prochaines décennies. Les travaux, qui ont débuté en mars dernier, se concluront par le dépôt dudit rapport au plus tard le 22 décembre prochain.

Des changements, et vite

Les points de réjouissance sont rares, mais ils existent. Dans son mémoire déposé auprès du BAPE, Recyc-Québec révèle par exemple que les matières organiques — les déchets d’origine végétale ou animale — « ont connu une forte diminution entre 2011 et 2019, et ce, autant sur le plan du tonnage total éliminé que de la proportion qu’elles représentent dans l’ensemble des matières résiduelles éliminées ». En 2011, les matières organiques représentaient 41 % du total éliminé alors qu’en 2019, cette proportion s’établissait à 30 % du total, lit-on dans le document.

Cette avancée est en grande partie due à la multiplication des bacs bruns dans les villes et les MRC; bacs bruns dont tous les ménages québécois doivent, en principe, être équipés d’ici 2025. « Sur les 1100 municipalités du Québec, environ 600 offrent désormais la collecte des matières organiques. Lorsqu’on propose des solutions de rechange à l’enfouissement, les citoyens sont au rendez-vous », souligne Mathieu Rouleau, président de l’Association des organismes municipaux de gestion des matières résiduelles.

Entretemps, des changements de comportement seront néanmoins nécessaires. Dans son plan d’action 2019-2024, Recyc-Québec s’est fixé comme objectif de réduire à 525 kg, ou moins, la quantité de déchets éliminés par habitant d’ici 2023, soit une diminution de plus du quart de nos déchets. Comment relever ce défi en un si court laps de temps alors que les quantités n’ont cessé d’augmenter ces dernières années? « Il va falloir aller jouer avec la corde sensible, donc financière, des citoyens pour les inciter à changer. Cela pourrait passer par une hausse des redevances exigibles pour l’enfouissement, ce qui forcerait tous les acteurs de la chaîne à se conscientiser », pense Mathieu Rouleau.

Des municipalités passent déjà à l’action. La Régie intermunicipale de traitement des matières résiduelles de la Gaspésie, qui dessert le territoire de la ville de Gaspé et de la MRC du Rocher-Percé, a décidé de sévir. Depuis peu, elle distribue des billets de courtoisie et, éventuellement, des amendes à ceux qui trient mal leurs déchets dans l’espoir de les conscientiser. Beaconsfield, dans l’ouest de l’île de Montréal, a plutôt choisi d’instaurer une collecte des ordures intelligente avec tarification incitative. Instaurée en 2016, cette mesure a diminué significativement la quantité de déchets envoyés à l’enfouissement.

On fait comme si nos déchets disparaissaient par magie. Pour forcer une réelle prise de conscience, il faut briser cette illusion.
Aurore Courtieux-Boinot, spécialiste en économie circulaire et en gestion des matières résiduelles au sein d’Incita

Attention toutefois à ne pas faire de cette histoire à succès un cas d’espèce. « Beaconsfield est une municipalité assez riche. On ne peut pas transposer les leçons apprises là-bas ailleurs au Québec », met en garde Justin Leroux, professeur au Département d’économie appliquée de HEC Montréal. Chose certaine, l’imposition de mesures écofiscales a le pouvoir de rendre très explicite ce défi. « L’écofiscalité relie les points dans la tête des citoyens. Ça envoie un signal de prix; mettre des déchets sur le bord du chemin coûte quelque chose », souligne le coauteur d’un rapport sur la question paru en 2020.

Une relation symptomatique

À l’heure actuelle, les Québécois ne voient tout simplement pas passer la facture, cette dernière étant en quelque sorte « diluée » dans leurs taxes municipales. Ils ignorent ainsi que la gestion des matières résiduelles peut accaparer 10 % et plus du budget de leur municipalité. « On fait comme si nos déchets disparaissaient par magie. Pour forcer une réelle prise de conscience, il faut briser cette illusion », affirme Aurore Courtieux-Boinot, spécialiste en économie circulaire et en gestion des matières résiduelles au sein d’Incita, une coopérative de travailleuses spécialisée dans le zéro déchet.

Toucher au portefeuille des gens les forcera certes à s’intéresser à leurs poubelles, mais ne leur inculquera pas forcément les bonnes pratiques. « Nous devrions tous visiter une fois par année les installations de gestion de déchets de notre municipalité, ne serait-ce que pour comprendre ce qu’il advient du fameux plastique no 6 », propose-t-elle. Surtout, il faudrait peut-être arrêter de blâmer le citoyen. « Notre production exagérée de déchets est à l’image de notre société de surconsommation. Pour en venir à bout, il faudra nécessairement réduire leur production à la source. » Grosse commande!

Suivez-nous sur Facebook, Twitter, LinkedIn et Instagram. Abonnez-vous à notre infolettre