Dossier spécial : Révolution dans la cabane , partie 2

La grande migration de l’érable à sucre

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© Elie Chap
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06 avril 2018 - Guillaume Roy, En quête d'aventure

Affecté par la chaleur et la présence d’autres essences d’arbres au sud, mais limité dans sa progression au nord, l’érable à sucre aura besoin d’être semé et planté par l’homme pour s’adapter aux changements climatiques et réaliser sa grande migration nordique.

La niche climatique de l’érable à sucre pourrait atteindre la baie d’Ungava à l’extrême nord du Québec en 2100, selon les prévisions climatiques. Mais cette quête nordique ne se fera pas sans effort. L’arbre d’où coule l’or blond québécois devra compter sur le facteur humain pour s’adapter et atteindre ces contrées, car plusieurs facteurs limitent son potentiel de migration.

Encore une fois cette année, l’auteur de ces lignes devra se contenter d’entailler ses bouleaux, car on ne trouve pas d’érables à sucre dans le nord du Lac-Saint-Jean (la sève et le sirop de bouleaux sont délicieux, mais ça, c’est une autre histoire déjà racontée ici).

Pour la plupart des Québécois, les érables font partie du quotidien, mais dès qu’on sort de la forêt mixte pour s’enfoncer dans la forêt boréale, les érables et les autres arbres nobles laissent place aux conifères et au bouleau blanc.

Nouvelle réalité climatique

Mais au fur et à mesure que le climat se réchauffe, l’érable gagne du terrain. En 40 ans, les érables ont progressé de près de 100 mètres en altitude dans les montagnes du Vermont. Au Bas-Saint-Laurent, certains peuplements jadis dominés par les conifères sont maintenant sous le règne de l’érable.

Le réchauffement climatique poussera-t-il l’érable à coloniser les contrées nordiques? Oui, mais ça prendra plusieurs centaines d’années, estiment les experts, car en plus des variables climatiques, il faut aussi tenir compte de plusieurs autres facteurs.

 

Selon Dominique Gravel, professeur de biologie à l’Université de Sherbrooke qui étudie l’érable depuis plusieurs années, l’érable ne migrera que de quelques centaines de mètres au cours des 100 prochaines années. Trois facteurs principaux expliquent cette lente migration. « D’abord, ça prend près de 50 ans avant que l’érable devienne assez mature pour produire un nombre suffisant de graines qui pourront migrer, indique Dominique Gravel. Puis, la dispersion des graines est très limitée. En effet, dans le meilleur des cas, le vent peut les transporter sur à peine 30 mètres. Finalement, la compétition avec les arbres résineux à la limite de son aire de répartition rend la croissance de l’érable plus difficile. »

 

C’est également ce qu’a constaté Alexandre Collin, chercheur postdoctoral à la TÉLUQ, qui a réalisé une thèse sur l’acclimatation nutritive de l’érable à sucre dans un contexte de changements climatiques. « Dans le nord, la présence de conifères de la forêt boréale impose des conditions de sols acides, ce qui réduit le nombre d’éléments nutritifs basiques, comme le calcium et le magnésium, deux éléments essentiels pour la croissance de l’érable », explique-t-il. De plus, l’épaisse couche d’aiguilles que laissent les conifères au sol réduit le potentiel de germination des graines d’érable et la survie des semis.

Temps des sucres_Carte erable_Dominique Gravel
En bleu se trouve la répartition actuelle de l’érable à sucre, en vert celle prédite par le modèle de Dominique Gravel qui interprète cette zone comme un «potentiel de colonisation». En rose, là où l’érable se trouve en ce moment mais devrait rapidement être exclu (ce qui se nomme aussi dette d’extinction). (© Dominique Gravel)

Pour étudier le comportement de l’érable en contexte nordique, les experts ont planté des érables à plusieurs endroits, notamment à Baie-Comeau et à Chibougamau, confie Dominique Gravel. « On a remarqué que les semis germent et se développent, mais ça ne veut pas dire qu’ils survivront au stade adulte, car un gel très fort pourrait éliminer la plantation », note-t-il.

Alors que la migration de l’érable rencontre des obstacles au nord, d’autres arbres lui livrent une forte compétition au sud de son aire de répartition.

À certains endroits, le hêtre se propage très vite et il est en train de remplacer l’érable dans certaines zones.
Alexandre Collin

« De plus, les producteurs de sirop situés au sud, notamment dans le Maine, pourraient voir les conditions favorables à la production de sève disparaître au cours des prochaines années », ajoute Dominique Gravel.

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La petite érablière familiale de Dominique Gravel est située dans la municipalité de Bury, en Estrie. (© Dominique Gravel)

Comment s’adapter?

Dans ce contexte, comment peut-on adapter nos pratiques pour assurer le maintien des érablières? « Tôt ou tard, le gouvernement devra penser à une politique de reboisement de l’érable », estime Dominique Gravel. Le hic? La Loi sur les forêts, basée sur l’aménagement écosystémique, impose le reboisement des espèces présentes historiquement sur le territoire. « Notre gestion de la forêt est basée sur le passé et non sur le futur, et ce, même si la dynamique des forêts est appelée à changer dans un contexte de changements climatiques », remarque le professeur de biologie.

Pour ce qui est de la coulée de la sève, elle continuera à se produire de plus en plus tôt en saison, estime Dominique Gravel, rejoint alors qu’il était en train de récolter la sève dans l’érablière familiale de la municipalité de Bury, en Estrie. « Ça fait deux années de suite que la première coulée arrive à la mi-février », lance-t-il.

Depuis trois ans, des chercheurs de l’Université du Québec à Chicoutimi étudient également les répercussions des changements climatiques sur la qualité du sirop. Les données récentes laissent croire que la quantité et la qualité du sirop pourraient être influencées par le climat.

La production acéricole au Québec (2016)

  • 13 500 producteurs acéricoles
  • 436 millions de dollars : valeur des produits d’érablières
  • 148,2 millions de livres de sirop d’érable récoltées
  • 71,4 % : proportion québécoise de la production mondiale de sirop d’érable
  • 63 : nombre de pays où le sirop est exporté
  • Principaux marchés extérieurs : États-Unis (61,8 %), Allemagne (10,1 %), Japon (5,9 %)

Source : Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ)