Le sirop d’érable québécois goûte toujours aussi bon, mais un nouvel ingrédient s’invite dans sa production. Pour améliorer l’empreinte carbone de l’industrie acéricole, les évaporateurs de sève électriques remplacent progressivement les vieux modèles au mazout. Mais il faut y mettre le prix.
Les Québécois sont très fiers de leur sirop d’érable, et il y a de quoi : la Belle Province fournit 71 % de la production mondiale! Malheureusement, la production de cet «or blond» génère 32 000 tonnes de gaz à effet de serre (GES) en quelques semaines. Chaque litre de sirop produit nécessite en effet en moyenne 0,6 litre de mazout – un dérivé du pétrole -, selon le Club d’encadrement technique en acériculture de l’Est.
Si 33 % des entreprises acéricoles utilisent encore aujourd’hui le mazout comme source d’énergie pour la transformation de la sève d’érable en sirop, les choses changent progressivement. Outre le bois, utilisé depuis des décennies, il existe d’autres options comme les granules de bois ou les évaporateurs électriques, arrivés plus récemment sur le marché.
Vapeur et électricité
C’est en 2012 que les onze premiers évaporateurs Écovap fonctionnant à l’électricité ont été produits et testés dans les érablières québécoises. Durant la saison des sucres de 2013, ces appareils nouvelle génération ont ainsi permis d’éviter la consommation d’environ 100 000 litres de mazout léger, ce qui, selon le calculateur du Fonds d’action québécois pour le développement durable (FAQDD), correspond à environ 273 tonnes de CO2 évitées (ce qu’émettent 86 voitures durant une année complète).
Cet évaporateur électrique, dont le brevet appartient à l’entreprise Tôle-Inox inc., récupère toute la vapeur produite pour réutiliser son potentiel énergétique. Ce principe permet de consommer de 10 à 15 fois moins d’énergie qu’un évaporateur conventionnel au bois, au mazout ou aux granules.
« L’arrivée des évaporateurs électriques sur le marché est une petite révolution dans le monde acéricole, mais ce sont des appareils assez coûteux qui ne sont donc pas à la portée de toutes les érablières », explique Vincent Poisson, conseiller au Club acéricole du Sud du Québec.
La technologie électrique est au point et a fait ses preuves sur le plan énergétique, mais elle n’est pas accessible à tous les producteurs.
« Pour la plupart des acériculteurs, le premier critère à prendre en compte, c’est la rentabilité, confie Jacques Boucher du Club d’encadrement technique acéricole de l’Est. De plus, le choix du type d’évaporateur dépendra fortement de la taille de l’érablière. L’évaporateur électrique, par exemple, n’est pas avantageux pour une petite érablière familiale de 5 000 entailles, mais conviendra à une autre qui a 60 000 entailles. Il y a non seulement le prix qui est un facteur très dissuasif, mais aussi les modifications à apporter en ce qui concerne l’alimentation électrique. En outre, des subventions sont accordées en fonction du nombre de tonnes de GES qui vont être éliminées, ce qui favorise évidemment les grosses érablières. »
Investissement et aide
Par exemple, l’évaporateur Ecovap 340 coûte 126 600 $ et nécessite des modifications aux installations électriques de la cabane à sucre ainsi qu’au bâtiment lui-même, dont le coût moyen est de 36 000 $, selon un récent rapport du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. « Afin d’obtenir un coût d’acquisition et de fonctionnement comparable aux autres types d’évaporateurs, il faut donc posséder une érablière d’environ 40 000 entailles ou avoir une capacité de production annuelle d’environ 340 barils », précise le document.
Joint par Unpointcinq, Daniel Majeau, représentant des ventes chez Dominion & Grimm, une entreprise qui commercialise des évaporateurs électriques en partenariat avec Tôle-Inox inc., confie que la fabrication d’évaporateurs électriques plus petits était à l’étude, sans donner plus de précisions sur une éventuelle commercialisation.
Les acériculteurs qui souhaitent passer à l’action en optant pour la technologie électrique peuvent bénéficier du programme ÉcoPerformance découlant du Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques et financé par le Fonds vert. L’érablière les 5 Zefinc. a ainsi reçu en 2016 une aide financière de 171 867 $ pour un projet de conversion énergétique qui lui a permis de remplacer ses trois évaporateurs d’eau d’érable fonctionnant au mazout léger par deux appareils électriques. Un changement technologique qui a permis à l’entreprise d’éliminer les 50 300 litres de mazout léger utilisés, soit 137,5 tonnes de GES en moins chaque année.
En 2015, 36 entreprises (1 097 735 entailles) étaient équipées d’évaporateurs électriques, soit 2,6 % du nombre total d’entailles au Québec. En 2017, elles étaient deux fois plus nombreuses : 77 entreprises pour 2 154 733 entailles (4,7 %). Dominion & Grimm dit fabriquer entre 15 et 25 évaporateurs électriques par an et le carnet de commande grossit chaque année. Si le virage électrique de l’acériculture québécoise est bien amorcé, il faudra encore du temps avant que l’on puisse savourer un sirop d’érable 100 % carboneutre.