Dossier spécial : Premières Nations, premières solutions , partie 4

Zibi : les Anishinabeg contribuent à bâtir un quartier carboneutre

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Le futur quartier Zibi ©Courtoisie
Created with Lunacy 4 min

17 février 2022 - Émélie Rivard-Boudreau, journaliste de l'Initiative de journalisme local

À Gatineau et à Ottawa, les Anishinabeg (Algonquins) participent à la construction d’un nouvel ensemble immobilier : le quartier Zibi. Ce projet écoénergétique leur permet de prendre part à la lutte aux changements climatiques tout en mettant en valeur leur histoire et leur culture sur leur territoire.

« Zibi » signifie « rivière » en algonquin. Et si ce mot a été choisi pour nommer ce nouveau quartier « zéro carbone » situé en bordure de la rivière des Outaouais, près de la chute des Chaudières, ce n’est pas un hasard puisqu’il sera érigé sur un lieu sacré pour les Anishinabeg depuis des millénaires.

Aujourd’hui, cet ancien site industriel chevauchant les municipalités de Gatineau et d’Ottawa est en train de se transformer en un milieu de vie durable où bâtiments écoénergétiques et modes de transport en commun et actifs sont à l’honneur. Le projet, amorcé en 2013, devrait être entièrement réalisé vers 2032. Sur ses 13 hectares, il accueillera environ 5000 résidents et 6000 travailleurs.

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Le futur quartier Zibi © Courtoisie

« Construire un projet de l’amplitude de Zibi sans l’inclusion des Premières Nations, ça n’avait pas de sens », explique Jeff Westeinde, président de Zibi Canada, promoteur du projet. Si une telle démarche peut sembler évidente en 2021, ce n’était pas le cas il y a une dizaine d’années. « En 2012 et 2013, les gens nous trouvaient bien étranges de travailler avec les Algonquins », se souvient l’homme d’affaires.

À ma connaissance, nous sommes le seul comité composé uniquement de femmes autochtones qui conseille un projet de plus d’un milliard de dollars.
Josée Bourgeois, membre du comité consultatif Memengweshii

Un comité consultatif de femmes anishinabeg a été formé pour accompagner le promoteur et s’assurer que l’héritage culturel de la nation serait respecté dans le projet. L’idée est venue d’une femme anishinabe qui a offert du tabac, plante sacrée pour les autochtones, à l’équipe de Zibi en guise de proposition d’alliance. « Le comité n’a pas du tout été créé ou suggéré par les promoteurs », souligne Josée Bourgeois, l’une des femmes du comité consultatif Memengweshii (« papillon » en algonquin) sur les initiatives culturelles et patrimoniales. « Nous avons été partie intégrante de chaque étape de ce projet. Toutes ses dimensions ont d’abord été filtrées à la table de notre conseil. À ma connaissance, nous sommes le seul comité composé uniquement de femmes autochtones qui conseille un projet de plus d’un milliard de dollars », ajoute-t-elle.

Plus qu’un projet immobilier

Déjà, un immeuble locatif et deux immeubles d’appartements en copropriété offrent un total de 303 logements. Mais il y a bien plus. « Quand les gens parlent de Zibi comme d’un projet de condominiums, je les corrige instantanément, explique Josée Bourgeois, qui est aussi une artiste anishinabe reconnue. C’est un projet de développement de toute une communauté. » Par exemple, les parcs du quartier Zibi seront nommés en langue algonquine, des œuvres de l’artiste peintre anishinabe Frank Polson sont exposées dans un des bâtiments et des supports à vélos en forme d’ours, créations de l’artiste anishinabe Karl Chevrier, sont installés à la place Wàsa Zibi du quartier.

Les femmes du comité Memengweshii ont d’ailleurs été mises à contribution dans l’intégration de ces éléments culturels. « Quand le projet sera complètement terminé et que les résidents, les touristes ou les passants marcheront dans l’enceinte de cette communauté, ils y vivront une expérience très différente de celle qu’on peut avoir dans d’autres villes ou villages. Ils y apprendront des choses sur les Algonquins et les autres Premières Nations, et ce, avec tous leurs sens », poursuit Josée Bourgeois. 

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Josée Bourgeois, membre du comité consultatif Memengweshii ©PJ Theroux

Zéro émission

Le chauffage et la climatisation du quartier Zibi n’émettront aucun gaz à effet de serre (GES). Pour le chauffage, on utilisera un système de récupération de chaleur qui sera alimenté par l’usine de papiers domestiques et institutionnels Kruger, située à proximité. L’entreprise estime que cette valorisation thermique lui permet de réduire ses émissions de GES de plus de 4000 tonnes par année, soit l’équivalent de 8 % de ses émissions annuelles. Quant à la climatisation, elle proviendra de l’eau de la rivière des Outaouais et de l’hydroélectricité produite sur place par Hydro Ottawa.

Du travail pour les Algonquins

L’inclusion des Anishinabeg dans le projet Zibi ne s’arrête pas là. Elle se reflète aussi dans l’embauche de la main-d’œuvre et dans les relations d’affaires. En 2016, la compagnie Decontie Construction, de la communauté de Kitigan Zibi, a été responsable de la décontamination des terrains situés sur une ancienne friche industrielle de la papetière Domtar. « Quand Jeff Westeinde est venu nous rencontrer, nous lui avons fait part de notre vision, raconte Wanda Thusky, copropriétaire de l’entreprise avec son conjoint Andrew Decontie. Nous voulions que la main-d’œuvre algonquine soit visible. » Elle y a également vu une opportunité : « Nous souhaitions prendre davantage notre place dans l’industrie de la construction et travailler à des contrats à l’extérieur de la réserve. »

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Un travailleur sur le chantier © Yancey Thusky

En 2017, grâce à une entente avec la Commission de la construction du Québec (CCQ), une dizaine de travailleurs algonquins ont fait leur entrée sur le chantier de Zibi. Selon le promoteur, toutefois, les lois et règlements, tant au fédéral qu’au provincial, rendent ce genre de démarche ardue. « Au Québec, la réglementation de la CCQ exige que la main-d’œuvre ait cumulé un certain nombre d’heures dans l’industrie pour octroyer les cartes de compétences obligatoires pour travailler sur les chantiers, explique Jeff Westeinde. Par contre, toutes les heures travaillées dans une communauté autochtone ne sont pas reconnues. Donc, si vous êtes charpentier sur une réserve, vous pouvez avoir exercé votre métier pendant 20 ans, mais vous ne pourrez pas travailler avec la CCQ. » Wanda Thusky déplore aussi cette situation.

Projet One Planet Living

Le projet Zibi suit un plan de travail afin de respecter les dix principes One Planet Living MD, créés par l’organisation britannique Bioregional. Parmi ces principes figurent non seulement la réduction des déchets, des GES et du transport automobile, mais aussi l’usage efficace de l’eau, la protection et la restauration du territoire, ainsi que la promotion de la culture locale.

Des valeurs communes

Malgré ces complications bureaucratiques sur la reconnaissance de l’expérience des membres de Premières Nations, Decontie Construction, le comité de femmes Memengweshii et le projet Zibi ont été réunis grâce à des valeurs communes : protéger l’écosystème et rendre justice au territoire anishinabe. « Je dis souvent à mon équipe que si la réconciliation était facile, on n’aurait pas besoin de la faire. Mais si ça fait partie de nos valeurs, ça devient juste la bonne chose à faire », fait valoir Jeff Westeinde.

De son côté, Wanda Thusky croit, au contraire, contribuer à perpétuer les valeurs de sa nation. « Lorsqu’on regarde le projet Zibi et l’approche One Planet Living (voir encadré) et qu’on les compare avec le mode de vie des Anishinabe, on se rend compte que le but est commun : créer un lieu de vie agréable, durable et équitable dans le respect de mère Nature », souligne-t-elle.

Jeff Westeinde, Zibi, Gatineau
Jeff Westeinde, président de Zibi Canada © Courtoisie

Un projet qui ne fait pas l’unanimité

Dès les balbutiements du projet, tant au Québec qu’en Ontario, des chefs de la nation anishinabeg s’y sont publiquement opposés, entre autres à cause du caractère sacré du site. C’est aussi le cas de l’artiste et militant de Kitigan Zibi, Albert Dumont, qui ne voit pas Zibi comme un exemple de réconciliation malgré la participation d’Algonquins.

Selon lui, ce projet immobilier ne contribue pas à restaurer cette zone qui a si longtemps été polluée et abandonnée par l’entreprise Domtar. « Notre souhait était que ça redevienne un site sacré, un lieu spécial et spécifique pour des cérémonies. Et il y a des gens qui disent que construire des condos et faire de l’argent est plus important que la spiritualité et de prendre soin de notre planète! » déplore-t-il.

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