Dossier spécial : Débordement d'idées

De l’eau dans la cave

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© Julien Castanié
Created with Lunacy 4 min

Face aux changements climatiques les compagnies d’assurances aussi doivent s’adapter. Les trucs à savoir pour tirer son épingle du jeu.

Les changements climatiques affectent la fréquence et l’intensité des inondations.

Autrement dit, les inondations surviennent deux fois plus souvent que tout autres catastrophes naturelles courantes. Traduction en dollars : ça coûte cher!

Au Canada, les sinistres attribuables aux dégâts d’eau sont les plus coûteux en assurance habitation. Entre 2012 et 2014, les pertes se sont chiffrées à 5,6 milliards de dollars.

Actuellement, le risque et l’indemnisation des pertes attribuables aux inondations sont pris en charge par le programme gouvernemental d’aide aux sinistrés. Le Canada est d’ailleurs le seul pays du G8* à ne pas avoir privatisé la gestion des coûts liés aux inondations. Si un transfert de responsabilité a depuis été annoncé, aucune action gouvernementale n’a concrètement été posée. Devant ce vide, les assureurs ont pris l’initiative de remédier à cette lacune en matière d’assurances. Ce qui soulève quatre problèmes :

 

  • Le phénomène d’antisélection;

  • L’accessibilité à l’information;

  • La complexité de l’anatomie des plans d’eau;

  • Les conflits d’intérêts.

 

Ces quatre problèmes concernent directement ou indirectement l’ensemble de la population, d’où l’importance de les démystifier.

#1 : Le phénomène d’antisélection

L’assurance repose sur le principe de diversification par la mise en commun des risques. Qu’essé que ça veut dire? En gros, qu’il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier! Transférons ce principe au domaine des finances : Pierre-Yves McSween vous dirait qu’il faut diversifier ses placements. Et bien, pour les assureurs, c’est exactement la même chose!

 » Si les citoyens savaient d’avance qu’ils devront éventuellement assumer une partie des coûts, ils prendraient les moyens pour atténuer le risque, changeraient de comportement et s’adapteraient.

Mathieu Boudreault

Si les seules personnes qui souscrivent à une assurance inondation sont celles qui sont les plus à risques, les assureurs se retrouvent avec un portefeuille ne contenant que de mauvais risques. C’est pourquoi les primes sont extrêmement élevées : pour vendre une protection contre les inondations, les compagnies d’assurance doivent se faire une réserve d’argent en cas de sinistre. S’ils n’assurent que des risques élevés, il suffit de quelques événements pour qu’ils n’aient plus les moyens d’amoindrir leurs coûts.

C’est ça, le phénomène de l’antisélection. Comment le contrer? Mathieu Boudreault, professeur agréé à l’UQAM et directeur du laboratoire de mathématique actuarielle et financière, croit qu’il faut exiger une protection obligatoire pour tous avec une tarification proportionnelle aux risques.

« Ainsi, le plan d’assurance est viable puisque le portefeuille de l’assureur comporte de bons et de mauvais risques. Il faut une discussion collective. Il faut un plan qui inclut tout le monde et non seulement ceux habitant sur des plaines inondables. »

S’assurer contre les inondations au Canada n’est possible que depuis 2015. Toutefois, comme c’est possible, mais pas obligatoire, les gens ne le font pas. « D’abord, les citoyens ne connaissent pas cette possibilité. Ensuite, puisqu’ils n’ont aucune accessibilité à l’information, ils n’ont pas la responsabilité du risque. S’ils savaient d’avance qu’ils devront éventuellement assumer une partie des coûts, ils prendraient les moyens pour atténuer le risque, changeraient de comportement et s’adapteraient. »

Et c’est ici que réside la principale embûche à la détermination du coût des primes d’assurance : si l’on veut atténuer les risques, comment déterminer si l’on est à risque?

#2 : L’accessibilité à l’information

Selon un récent sondage, la vaste majorité des gens ne connaissent pas les différentes couvertures de leurs assurances en matière de dégâts d’eau.

Couvert Nécessite une protection supplémentaire
Dommages causés par une installation sanitaire Dommages causés par une infiltration d’eau
Dommages causés par le bris d’une conduite d’eau publique Dommages causés par un refoulement d’égouts
Dommages causés par une inondation à la suite du débordement d’un cours d’eau (nouveau produit)

 

Si on veut une répartition des risques équitable et offrir des primes d’assurance proportionnelles, il faut d’abord connaître ces risques. Plusieurs obstacles freinent toutefois l’accessibilité à une information fiable et de qualité.

 

  • La certification de localisation d’une propriété n’indique pas si celle-ci se trouve en zone inondable et même les courtiers immobiliers n’ont aucun registre auquel se référer.

  • Il n’existe aucun outil permettant aux assureurs de traduire en risques financiers les prévisions climatologiques.

 

« Présentement, les assureurs, les municipalités, le gouvernement et les citoyens ont des informations différentes à leur portée, explique Mathieu Boudreault. Pour baser le prix de leurs primes, les compagnies d’assurance ont recours à des consultants. Mais toutes les compagnies ont des consultants différents, donc des données différentes. »

Le «déluge du Saguenay» en 1996 fut causé par des pluies torrentielles et rendit célèbre la Petite Maison Blanche. (© Encyclopédie canadienne)

#3 : Anatomie d’une rivière : du climat vers les dollars

Une rivière, c’est complexe. Pour l’étudier sous tous ses aspects, il faut un spécialiste pour chacune d’elles. D’abord, un expert en climat pour étudier les données climatiques (précipitations, température); puis deux autres spécialistes pour voir de quelle façon, dans des projections futures, ces données affecteront l’hydrologie (cycle de l’eau, le débit) et l’hydraulique (niveau d’eau).

Pour une seule rivière, il peut y avoir entre 30 et 70 scénarios possibles. Chacun d’eux doit ensuite passer dans le tordeur de formules mathématiques pour devenir des courbes de dommages et de leurs coûts associés, ce qui permettra finalement de quantifier les risques et de déterminer les coûts des primes.

Ces quelques lignes donnent des maux de tête, avouons-le. Heureusement, un outil innovateur a vu le jour tout récemment et pourrait bien agir à titre d’ibuprofène : l’indice actuariel climatique.

Lancée au début de l’année 2017, cette initiative joint les principaux organismes actuariels nord-américains. Le but est d’éveiller la conscience de la communauté actuarielle à l’évolution du climat et à ses impacts sur les risques assurés, pour tous les genres d’événements climatiques.

 » L’outil traduit les projections de températures et de précipitations en probabilités d’inondations. Éventuellement, cela permettra d’obtenir des données, quant à la probabilité qu’un événement se produise, et le coût de chacun des scénarios.

Mathieu Boudreault

« Il y a encore beaucoup de travail à faire, mais l’objectif est que cet outil puisse un jour guider les assureurs québécois, poursuit-il. Mais cela a ses limites puisqu’il s’agit d’un travail colossal. Selon moi, on ne pourra jamais avoir de données très localisées. Ça restera toujours très global. »

#4 : Conflits d’intérêts : ma maison est meilleure que la tienne!

Imaginons que :

  1. Le Canada transfère la responsabilité d’indemnisation des pertes attribuables aux inondations aux compagnies d’assurances.
  2. Pour contrer le phénomène d’antisélection, tout le monde devait prendre une assurance inondation.
  3. Des outils permettraient de déterminer des coûts de primes proportionnels aux risques.=

Avec 1 + 2 + 3, la valeur des maisons riveraines diminuerait drastiquement. Suivant ce raisonnement, les municipalités – et certains citoyens – se retrouveraient en conflit d’intérêts.

Les taxes municipales sont déterminées en fonction de la valeur foncière d’une propriété. Si les maisons riveraines – qui ont généralement une plus grande valeur – voient leur valeur chuter, les taxes diminueront de la même façon.

*G8 : Les membres du G8 (Canada, France, États-Unis, Royaume-Uni, Russie, Allemagne, Japon, Italie) se réunissent une fois par année, lors d’un Sommet des chefs d’États et de gouvernements, pour déterminer ensemble des mesures à prendre, là où ils peuvent faire la différence, sur les grandes questions touchant aux enjeux politiques, à la sécurité et à la mondialisation.