Dossier spécial : Compost mortem

Cadavres à la mer

Illustration Érosion
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Selon le Laboratoire de dynamique et de gestion intégrée des zones côtières de l'Université du Québec à Rimouski, le trait de côte recule de 40 centimètres en moyenne chaque année dans la province. Un problème accentué par le réchauffement climatique.

Le hic, c'est qu'en matière d'érosion, on n'est plus tranquille nulle part. Les cimetières situés au bord du fleuve ou de l'océan sont eux aussi menacés par le phénomène. Nos tombes seraient-elles sur le point de partir à vau-l'eau ? Non. Ou du moins pas encore, car il existe des solutions. Pour mieux comprendre ce qu'il est possible d’entreprendre, nous avons joint Susan Drejza, agente de recherche au laboratoire susmentionné et chaire de recherche en géoscience côtière à l'Université du Québec à Rimouski.

 

Unpointcinq : Est-ce que beaucoup de cimetières sont menacés par l'érosion des côtes au Québec ?

Susan Drejza : Nous surveillons 10 cimetières dans l'est du Québec. Tous se situent à moins de 15 mètres des côtes et sont donc exposés à l'érosion. On a beaucoup parlé de celui de Petit-Matane, mais il y en d'autres : à Sainte-Luce, à Portneuf-sur-Mer, sur l'île d'Orléans, sur les îles de la Madeleine, à Chandler, à Grande-Vallée, à New Richmond et enfin dans les secteur de Cap-des-Rosiers et de Saint-Maurice-de-l'Échouerie.

 

Quelles sont les solutions envisageables ?

Tout dépend de la situation du cimetière et de la vitesse de recul du trait de côte. Certains sont au sommet de falaises rocheuses, d'autres sont sur des berges basses sableuses. On ne peut donc pas y faire la même chose. Sur l'île d'Orléans, par exemple, le cimetière est protégé par un grand mur de béton. A Petit-Matane, par contre, ils ont décidé de reculer les tombes pour qu'il n'y ait pas de cercueil qui tombe dans le fleuve.

Si on construit un mur, il peut enfin y avoir ce que l'on appelle un “effet de bout”: l'érosion va être encore plus rapide aux deux extrémités. C'est un peu comme si on refilait le problème à son voisin. Susan Drejza
   

La meilleure solution selon vous?

Les ouvrages de protection rigides ont des avantages et des inconvénients. Tout dépend de la situation géographique du site. Pour les grandes falaises, comme aux îles de la Madeleine, il est possible de faire des enrochements majeurs, mais cela défigure le site et on n'est pas sûr que cela va tenir. Dans les parties plus basses, un mur va protéger de l'érosion pendant un certain temps, mais il y a des limites. D'une part, le phénomène peut continuer en arrière. D'autre part, ce genre d'édifice peut avoir des effets négatifs sur la plage. Les vagues vont venir violemment frapper le mur et emporter des sédiments en se retirant. Ce qui peut entraîner la disparition graduelle de la plage et de tout l'écosystème qui s'y trouve. Dans certains cas, l'eau peut aussi passer par dessus et les tempêtes risquent d'arracher les ouvrages. Si on construit un mur, il peut enfin y avoir ce que l'on appelle « un effet de bout »: l'érosion va être encore plus rapide aux deux extrémités. C'est un peu comme si on refilait le problème à son voisin.

 

Que peut-on faire d'autre ?

Il est possible dans certains cas d'atténuer l'érosion en remettant du sédiment sur les plages. De cette façon les vagues viennent se briser sur le sable et ont moins d'énergie pour détruire les constructions situées en arrière. Il est envisageable aussi de revégétaliser pour tenter de retenir le limon. Mais là encore, tout dépend de l'environnement.

 

Peut-on vraiment lutter contre l'érosion ?

L'érosion est un phénomène naturel. Pour que des plages se créent à certains endroits, il faut que les berges s'érodent à d'autres. Dans certains cas on peut l'arrêter, techniquement, on est capable de construire de gros murs. Mais il faut tenir compte des impacts négatifs que cela peut avoir. Reculer est ainsi bien souvent la meilleure solution. On déplace les tombes comme à Petit-Matane pour redonner de l'espace au fleuve, ne plus empiéter dans sa zone. Il s'agit de s'adapter, et non plus de lutter.

 

Qu'est-ce que les changements climatiques ont à voir dans tout ça ?

Les changements climatiques ont un impact sur l'érosion, et ce à plusieurs niveaux. Il y a d'abord la hausse du niveau marin. Plus il est haut, plus les vagues peuvent avoir une action en hauteur sur les côtes. Il y aussi les variations de températures. L'eau qui gèle et dégèle dans les falaises fragilise les roches. Enfin, les glaces qui protégeaient les côtes des tempêtes en hiver sont moins nombreuses.

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@Iris Boudreau
Created with Lunacy 3 min

Chaque année l’érosion grignote les côtes du Québec et les berges du Saint-Laurent, menaçant au passage plusieurs cimetières et empêchant ceux qui ont choisi un caveau avec vue sur la mer de reposer en paix.

Selon le Laboratoire de dynamique et de gestion intégrée des zones côtières de l'Université du Québec à Rimouski, le trait de côte recule de 40 centimètres en moyenne chaque année dans la province. Un problème accentué par le réchauffement climatique.

Le hic, c'est qu'en matière d'érosion, on n'est plus tranquille nulle part. Les cimetières situés au bord du fleuve ou de l'océan sont eux aussi menacés par le phénomène. Nos tombes seraient-elles sur le point de partir à vau-l'eau ? Non. Ou du moins pas encore, car il existe des solutions. Pour mieux comprendre ce qu'il est possible d’entreprendre, nous avons joint Susan Drejza, agente de recherche au laboratoire susmentionné et chaire de recherche en géoscience côtière à l'Université du Québec à Rimouski.

 

Unpointcinq : Est-ce que beaucoup de cimetières sont menacés par l'érosion des côtes au Québec ?

Susan Drejza : Nous surveillons 10 cimetières dans l'est du Québec. Tous se situent à moins de 15 mètres des côtes et sont donc exposés à l'érosion. On a beaucoup parlé de celui de Petit-Matane, mais il y en d'autres : à Sainte-Luce, à Portneuf-sur-Mer, sur l'île d'Orléans, sur les îles de la Madeleine, à Chandler, à Grande-Vallée, à New Richmond et enfin dans les secteur de Cap-des-Rosiers et de Saint-Maurice-de-l'Échouerie.

 

Quelles sont les solutions envisageables ?

Tout dépend de la situation du cimetière et de la vitesse de recul du trait de côte. Certains sont au sommet de falaises rocheuses, d'autres sont sur des berges basses sableuses. On ne peut donc pas y faire la même chose. Sur l'île d'Orléans, par exemple, le cimetière est protégé par un grand mur de béton. A Petit-Matane, par contre, ils ont décidé de reculer les tombes pour qu'il n'y ait pas de cercueil qui tombe dans le fleuve.

Si on construit un mur, il peut enfin y avoir ce que l'on appelle un “effet de bout”: l'érosion va être encore plus rapide aux deux extrémités. C'est un peu comme si on refilait le problème à son voisin. Susan Drejza
   

La meilleure solution selon vous?

Les ouvrages de protection rigides ont des avantages et des inconvénients. Tout dépend de la situation géographique du site. Pour les grandes falaises, comme aux îles de la Madeleine, il est possible de faire des enrochements majeurs, mais cela défigure le site et on n'est pas sûr que cela va tenir. Dans les parties plus basses, un mur va protéger de l'érosion pendant un certain temps, mais il y a des limites. D'une part, le phénomène peut continuer en arrière. D'autre part, ce genre d'édifice peut avoir des effets négatifs sur la plage. Les vagues vont venir violemment frapper le mur et emporter des sédiments en se retirant. Ce qui peut entraîner la disparition graduelle de la plage et de tout l'écosystème qui s'y trouve. Dans certains cas, l'eau peut aussi passer par dessus et les tempêtes risquent d'arracher les ouvrages. Si on construit un mur, il peut enfin y avoir ce que l'on appelle « un effet de bout »: l'érosion va être encore plus rapide aux deux extrémités. C'est un peu comme si on refilait le problème à son voisin.

 

Que peut-on faire d'autre ?

Il est possible dans certains cas d'atténuer l'érosion en remettant du sédiment sur les plages. De cette façon les vagues viennent se briser sur le sable et ont moins d'énergie pour détruire les constructions situées en arrière. Il est envisageable aussi de revégétaliser pour tenter de retenir le limon. Mais là encore, tout dépend de l'environnement.

 

Peut-on vraiment lutter contre l'érosion ?

L'érosion est un phénomène naturel. Pour que des plages se créent à certains endroits, il faut que les berges s'érodent à d'autres. Dans certains cas on peut l'arrêter, techniquement, on est capable de construire de gros murs. Mais il faut tenir compte des impacts négatifs que cela peut avoir. Reculer est ainsi bien souvent la meilleure solution. On déplace les tombes comme à Petit-Matane pour redonner de l'espace au fleuve, ne plus empiéter dans sa zone. Il s'agit de s'adapter, et non plus de lutter.

 

Qu'est-ce que les changements climatiques ont à voir dans tout ça ?

Les changements climatiques ont un impact sur l'érosion, et ce à plusieurs niveaux. Il y a d'abord la hausse du niveau marin. Plus il est haut, plus les vagues peuvent avoir une action en hauteur sur les côtes. Il y aussi les variations de températures. L'eau qui gèle et dégèle dans les falaises fragilise les roches. Enfin, les glaces qui protégeaient les côtes des tempêtes en hiver sont moins nombreuses.

Casse-tête à Matane

La grosse marée du 30 décembre 2016 a fait de nombreux dégâts dans le cimetière de Petit-Matane, situé au bord de la mer. Pour faire face au problème, les corps les plus proches de la berge ont été exhumés. 14 urnes et 9 cercueils ont été déplacés pour les protéger de la montée des eaux. « Au lieu d’enrocher, on préfère cette méthode, explique Gaston Roussel, responsable de la Corporation du cimetière paroissial. Ce n’est pas la solution idéale, notamment pour les familles. Mais pour le moment, entamer d’autres types de travaux reviendrait trop cher. » En 2018, une nouvelle rangée pourrait être déplacée, soit 17 cercueils et 5 urnes. Si les responsables ont, un temps, pensé transporter toutes les tombes, l’ampleur de la tâche leur a fait faire machine arrière et préférer une solution graduelle.