Dossier spécial : Dompter l'écoanxiété , partie 5

L’écoanxiété

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©Marie Leviel
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26 novembre 2021 - Des Universitaires, Regroupement de chercheuses et chercheurs universitaires du Québec

Au sens large, l’écoanxiété désigne une crainte intense des effets des perturbations climatiques sur le bien-être humain. Répondre à ce signal avec empathie nous permettrait d’améliorer notre bien-être et celui de notre environnement.

Encore inconnue il y a 10 ans, l’écoanxiété figure aujourd’hui parmi les sujets récurrents dans les médias. Elle fait partie d’une série d’écoémotions, c’est-à-dire d’émotions reliées à nos préoccupations envers l’écologie, qui comprend les changements climatiques, l’environnement et la biodiversité. Ces écoémotions incluent l’écoculpabilité, soit le sentiment de culpabilité envers la dégradation de la nature, la colère (également appelée « terrafurie »), la tristesse ainsi que d’autres sentiments qui peuvent être éprouvés simultanément tels que la curiosité, la compassion, le courage et l’audace. Fait aussi partie de l’écoanxiété le deuil environnemental (ou « solastalgie »), soit celui que l’on vit pour les espaces perdus ou transformés irrémédiablement.

Au sens large, l’écoanxiété désigne une crainte intense des effets des perturbations climatiques sur le bien-être humain. Elle n’est pas un problème de santé. L’anxiété en elle-même est une émotion très ancienne, pour ne pas dire archaïque, qui vise à nous alerter d’une menace et à nous permettre d’y réagir par une série de changements physiologiques, généralement en vue de la combattre ou de la fuir. Elle peut toutefois entraîner une inhibition de la pensée et de l’action et avoir des effets néfastes tels que la fatigue ou l’insomnie. Ainsi, l’écoanxiété peut être à la fois paralysante et mobilisatrice, selon le contexte, les émotions du moment et la personnalité de l’individu.

L’anxiété en elle-même est une émotion très ancienne, pour ne pas dire archaïque, qui vise à nous alerter d’une menace et à nous permettre d’y réagir par une série de changements physiologiques, généralement en vue de la combattre ou de la fuir.
Martin St-André et Maëlle Surprenant, membres du regroupement des Universitaires

Bien que la réalité de la crise climatique soit maintenant largement reconnue, tout le monde ne comprend pas de la même façon sa portée, ses impacts, son importance dans nos vies quotidiennes et l’urgence d’agir. De nombreux débats agitent la communauté scientifique et la société dans son ensemble : précision des modèles climatiques utilisés, seuils d’augmentation de température jugés critiques, impacts sociaux d’un investissement massif dans la décarbonisation de l’économie, rôle et performance des énergies renouvelables, priorisation des actions climatiques à l’intérieur d’un plan intégré de lutte contre les iniquités sociales et la pauvreté, recours aux contraintes juridiques et fiscales à mettre en œuvre. D’autres encore nous interrogent sur le plan personnel : impact des stratégies individuelles, difficulté de déroger à ses habitudes, craintes de compromettre sa qualité de vie, attentes ambivalentes face à nos dirigeants. Bref, les modèles de compréhension et les plans d’action sont multiples, et leur priorisation fait l’objet de débats, ce qui génère de l’incertitude.

Enfants, adolescents et adultes se trouvent ainsi exposés non seulement à des faits scientifiquement complexes et anxiogènes, mais aussi à des informations parfois divergentes – voire morcelées – sur la crise climatique et les réponses à y apporter. La détresse liée à l’écoanxiété est encore plus grande chez les personnes vulnérables psychologiquement. De plus, les groupes sociaux ne partagent pas tous le même degré de préoccupation face aux questions environnementales et à l’avenir de la planète, notamment en raison de nécessités vitales plus immédiates (se loger ou se nourrir, par exemple) ou de croyances identitaires particulières.

La conséquence de tout cela? Un ensemble de discours et de représentations qui vont du climatonégationnisme aux positions quasi apocalyptiques visant explicitement à susciter la peur et le désespoir afin d’appeler à la mobilisation. Ces discours contradictoires, voire polarisants, se répondent et s’amplifient, hélas, réciproquement. De plus, la réalité et la dynamique des médias traditionnels et des réseaux sociaux contribuent à accentuer les messages les plus percutants, ce qui entretient le clivage entre les différents groupes, plutôt que de favoriser leur rapprochement. Au bout du compte, plusieurs personnes vivent non seulement avec les faits avérés au sujet de la crise climatique, mais aussi avec le stress lié aux ambiguïtés et aux controverses quant aux meilleures actions à prendre pour la combattre.

Il n’existe pas de solutions simples pour composer avec l’écoanxiété. Toutefois, cinq pistes peuvent permettre de mieux la prendre en charge :

  • Observer nos propres biais cognitifs, c’est-à-dire la tendance de notre cerveau à interpréter la réalité de manière préétablie. Ces biais sont présents par exemple lorsque nous utilisons la pensée catastrophiste, lorsque nous confirmons nos préjugés, lorsque nous nous attardons trop aux faits négatifs, lorsque nous voyons les choses en rose ou en noir, lorsque nous nous blâmons nous-mêmes ou blâmons les autres pour nos émotions ou lorsque nous nous accordons un rôle disproportionné dans une situation.
  • Chercher des sources d’information fiables et tolérer nos limites cognitives et affectives devant la complexité des changements climatiques et les solutions spécifiques à y apporter.
  • Pratiquer la bienveillance envers soi-même. Cela aide à prendre du recul, à ne pas se laisser envahir par l’écoanxiété et favorise une action plus posée et plus efficace. Les pratiques de pleine conscience ou de relaxation peuvent aussi se révéler utiles à notre équilibre psychique, par exemple lorsque nous modifions certaines habitudes ou que nous nous investissons dans des actions de bien-être collectif.
  • Garder contact avec la nature et le monde vivant afin d’en célébrer la beauté, de cultiver notre reconnaissance et de témoigner de leur mystère.
  • S’engager dans des actions qui reflètent nos préoccupations : actions individuelles en lien avec la surconsommation et actions citoyennes avec des groupes en phase avec nos priorités et valeurs. Passer à l’action, de manière concrète, peut réduire l’anxiété en renforçant notre sentiment d’efficacité personnelle et de contrôle sur la menace. Soulignons aussi l’importance de respecter nos propres limites dans l’intensité de notre engagement.

En résumé, l’écoanxiété est une émotion désagréable liée à la crainte des répercussions des bouleversements climatiques et écologiques sur notre société. Bien qu’elle puisse affecter négativement notre qualité de vie, nous devons tous apprendre à l’accueillir, voire à la tolérer. En répondant à ce signal avec compassion et discernement, nous favorisons notre équilibre et nous nous dirigeons vers des actions propices à notre mieux-être et à celui de notre environnement.

Nous remercions les Dres Kathleen Pelletier et Claudel Pétrin-Desrosiers, la psychologue Karine St-Jean, de même que Thierry Lefèvre, Ph. D., et le professeur Patrick Provost pour leurs commentaires et suggestions.

Martin St-André est psychiatre et chef médical de la clinique de psychiatrie périnatale et du jeune enfant au CHU Sainte-Justine et professeur agrégé de clinique à l’Université de Montréal; Maëlle Surprenant est résidente en psychiatrie à l’Université de Montréal.

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