Du bois d’ici dans le rouge à lèvres?

bouleau substitut au pétrole
array(26) { ["ID"]=> int(21533) ["post_author"]=> string(2) "48" ["post_date"]=> string(19) "2019-07-08 06:14:22" ["post_date_gmt"]=> string(19) "2019-07-08 10:14:22" ["post_content"]=> string(0) "" ["post_title"]=> string(41) "Du bois d’ici dans le rouge à lèvres?" ["post_excerpt"]=> string(374) "Dans quelques années, le bouleau des Laurentides pourrait entrer dans la fabrication de nos rouges à lèvres, de nos vêtements et de nos médicaments. Ce bois mal-aimé y remplacerait des dérivés du pétrole grâce au travail d’un scientifique de l’Université Concordia qui a délaissé ses recherches en pétrochimie pour s’intéresser aux résidus forestiers. " ["post_status"]=> string(7) "publish" ["comment_status"]=> string(6) "closed" ["ping_status"]=> string(6) "closed" ["post_password"]=> string(0) "" ["post_name"]=> string(33) "substitut-au-petrole-abitibi-bois" ["to_ping"]=> string(0) "" ["pinged"]=> string(0) "" ["post_modified"]=> string(19) "2021-05-30 11:42:17" ["post_modified_gmt"]=> string(19) "2021-05-30 15:42:17" ["post_content_filtered"]=> string(0) "" ["post_parent"]=> int(0) ["guid"]=> string(30) "https://unpointcinq.ca/?p=21533" ["menu_order"]=> int(0) ["post_type"]=> string(4) "post" ["post_mime_type"]=> string(0) "" ["comment_count"]=> string(1) "0" ["filter"]=> string(3) "raw" ["header"]=> string(4) "blog" ["displayCategories"]=> bool(true) }

Dans quelques années, le bouleau des Laurentides pourrait entrer dans la fabrication de nos rouges à lèvres, de nos vêtements et de nos médicaments. Ce bois mal-aimé y remplacerait des dérivés du pétrole grâce au travail d’un scientifique de l’Université Concordia qui a délaissé ses recherches en pétrochimie pour s’intéresser aux résidus forestiers.

Raymond Le Van Mao collectionne les découvertes et les honneurs. Ce professeur retraité de l’Université Concordia a publié plus de 200 textes scientifiques et obtenu plus de 42 brevets partout dans le monde. Une belle carrière qu’il doit en partie au pétrole de l’Ouest. « Mon domaine d’expertise, c’est la pétrochimie. Au Canada, il y a une grosse industrie qui exploite les sables bitumineux, alors, j’ai contribué à ça », raconte le chercheur.

Un beau jour, il y a 10 ans environ, le chimiste prend conscience du potentiel des forêts canadiennes pour générer de la biomasse, particulièrement au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique. « Je me suis rendu compte que transformer les sables bitumineux en pétrole, ça consomme beaucoup d’énergie et ça émet beaucoup de gaz à effet de serre, évoque Raymond Le Van Mao. J’ai pensé qu’il y avait une niche pour transformer [la biomasse] en d’autres produits industriels qu’on utilise tous les jours. »

En 2013, le professeur met au point un procédé complètement nouveau d’extraction des acides carboxyliques (ou procédé BTCA, ces quatre lettres étant le sigle de l’acide 1,2,3,4-butanetétracarboxylique) en s’intéressant tout particulièrement à l’un d’entre eux, l’acide lévulinique. Vous n’avez jamais entendu parler de cet acide là? C’est normal. Pour faire simple, l’acide lévulinique est une substance qui peut remplacer certains dérivés du pétrole dans la fabrication de produits cosmétiques, pharmaceutiques ou textiles.

Son utilisation n’est pas nouvelle. En Italie, la GFBiochemicals produit, depuis 2008, ce substitut aux produits pétroliers. Alors que cette entreprise le crée à partir de la biomasse de déchets agricoles, le professeur Le Van Mao l’extrait plutôt de la biomasse forestière. Et du bois pour remplacer du pétrole, c’est autant de GES en moins émis par l’exploitation des hydrocarbures.

En 2017 au Canada, les émissions de GES dans le secteur de l’extraction du pétrole et du gaz s’évaluaient à 195 mégatonnes d’équivalent CO2, soit 27 % du total des émissions au pays.

Une occasion en or pour les Laurentides

Pour les Hautes-Laurentides, ce nouveau procédé représente un potentiel économique considérable. La région forestière peine à réutiliser ses résidus et à se défaire de certaines essences mal-aimées. Trois entreprises de la région de Mont-Laurier, les Exploitations JYB Papineau, la Coopérative forestière des Hautes-Laurentides et les Créations Madéro, ont flairé la bonne affaire après avoir été mises en contact avec le professeur Le Van Mao. Elles sont depuis détentrices de son brevet.

« La biomasse est abondante ici, souligne Marc-André Hinse, l’ingénieur forestier qui représente le trio d’investisseurs. Mais on a une problématique : il est difficile de trouver preneurs pour le bois qu’on appelle “de faible qualité”, qui provient de feuillus, surtout le bouleau blanc et le bouleau jaune. Nous, on voulait trouver un procédé qui permette de transformer localement ces ressources-là. »

Des batteries de tests

Des essais sont en cours afin d’appliquer progressivement le procédé BTCA à l’échelle industrielle. Ils sont effectués par Benoît Deschênes-Simard. À travers différents tests, l’enseignant au centre collégial de Mont-Laurier cherche à comprendre comment le procédé de Raymond Le Van Mao réagit lorsque la quantité de biomasse augmente. « Au collège, on a des réacteurs d’un litre et de dix litres pour faire une première mise à l’échelle. On fait une panoplie de tests pour obtenir des conditions optimales. Dès que je trouverai les meilleures conditions, on ira l’essayer sur un réacteur de 400 litres! » anticipe le chimiste originaire de Mont-Laurier.

substitut au pétrole Benoît Deschênes-Simard
Le chimiste Benoît Deschênes-Simard présente ses premiers tests en présence de Raymond Le Van Mao (au 1er plan).

À cette étape, le Centre d’études des procédés chimiques du Québec (CÉPROCQ), au collège de Maisonneuve, à Montréal, prendra le relais, du moins lorsqu’il se sera procuré le fameux réacteur de 400 litres. À cet égard, le groupe d’entrepreneurs et de chercheurs attend une confirmation de financement du Consortium de recherche et d’innovation en bioprocédés industriels au Québec (CRIBIQ) et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).

Si les résultats prometteurs se confirment et que le financement est accordé, l’usine de bioproduits de Mont-Laurier pourrait voir le jour d’ici cinq ans. En attendant, il faudra se mettre sur les lèvres des produits dérivés du pétrole ou des bioproduits provenant d’Italie – à moins d’opter pour un sourire 100 % naturel!