Les villes bien adaptées à la marche contribuent à diminuer les problèmes de santé et envoient promener les gaz à effet de serre. Au Québec, des groupes de piétons s’unissent pour valoriser et sécuriser ce mode de déplacement. À go, on change la ville!
Profusion de béton, boulevards surdimensionnés, centres commerciaux excentrés : au Québec comme ailleurs, les aménagements urbains qui découragent la promenade plombent non seulement le bilan carbone, mais alourdissent les coûts de santé, souligne une étude des universités de Hong Kong et d’Oxford parue en début d’année.
À l’inverse, habiter dans une ville où il est facile de se déplacer à pied réduit le risque d’hypertension et de maladies cardiovasculaires, selon les chercheurs. Une autre preuve scientifique qui vient s’ajouter à la longue liste des études démontrant qu’en abandonnant le modèle du « tout-à-l’auto », les municipalités qui remettent la ville au pas contribuent à diminuer l’empreinte carbone tout en veillant sur notre santé.
En plein l’objectif de Ça marche Doc!, un projet du cardiologue et chercheur Paul Poirier qui regroupe des acteurs du milieu de la santé de la région de la Capitale-Nationale, dont le CHU de Québec. Depuis deux ans, plutôt que de lancer des pétitions pour les droits des piétons ou de s’immoler par le feu (de toute façon, ça générerait des GES), ses bénévoles organisent des marches urbaines en compagnie d’experts de la santé dans la région de Québec ou dans différentes villes de la région Chaudière-Appalaches.
L’appel du pied
Un déplacement en voiture d’un kilomètre génère 0,21 kg de gaz à effet de serre (GES), selon la calculatrice du Fonds d’action québécois pour le développement durable. La marche, elle, n’émet aucun GES. Zéro. Nada. Et en plus, elle améliore la santé et permet d’économiser! Qui dit mieux?
Lévis, Sillery, Saint-Georges-de-Beauce : chaque samedi matin – l’activité reprendra à l’automne –, Ça marche Doc! change de quartier ou de ville afin d’éduquer les citadins aux bienfaits de la marche. « On veut sensibiliser les participants au fait qu’une importante quantité de maladies, dont les problèmes cardiaques et pulmonaires, l’anxiété, la dépression et l’obésité, découle de mauvais choix urbanistiques », explique la vétérinaire Johanne Elsener, conceptrice et coordonnatrice du projet.
Jusqu’à maintenant, ces rendez-vous pédestres, qui peuvent regrouper quelque 250 marcheurs, ont servi de canevas à la conception de chroniques radio et à l’enregistrement de 25 émissions de télé diffusées à l’antenne de MAtv de Québec. Lors de la prochaine saison, à l’automne, 12 nouvelles émissions seront présentées.
Preuve que les solutions pour redonner la ville aux piétons font leur bout de chemin, Johanne Elsener cite la multiplication des parcs linéaires – comme la promenade Samuel-De Champlain, à Québec – ou la densification de la végétation urbaine. « Il faut aussi repenser l’architecture de nos bâtiments, notamment en limitant les murs aveugles (sans fenêtres), qui font fuir les marcheurs », ajoute-t-elle.
Debout, piétons!
Il faut dire qu’on part de loin : jusqu’à tout récemment, aucun organisme ne défendait les intérêts des piétons au Québec! Fondé en 2015 par des citoyens des quatre coins de la province, Piétons Québec s’active désormais à valoriser la marche comme mode de déplacement et à faire évoluer les lois et pratiques assurant la sécurité des marcheurs. Grâce à ce groupe de bénévoles – l’équivalent de Vélo-Québec pour les cyclistes –, les piétons de toutes les régions marchent d’un même pas.
« Dans un passé pas si lointain, la mort d’un piéton était considérée comme une fatalité. Personne ne se questionnait sur le fait qu’elle aurait possiblement pu être évitée », constate Jeanne Robin, porte-parole de Piétons Québec.
Aujourd’hui, la « vision zéro » guide les actions de Piétons Québec. Cette approche, qui vise à ce qu’il n’y ait aucun mort ou blessé grave dû à la circulation routière, « accorde une attention particulière aux plus vulnérables des usagers de la route par le biais d’aménagements sûrs », explique-t-elle. Par exemple, l’ajout de saillies de trottoir aux intersections, qui réduit la distance à parcourir sur le bitume pour les piétons, s’inspire de cette manière de voir l’aménagement urbain. Bonne nouvelle : dans sa nouvelle Politique de mobilité durable, dévoilée en avril, le ministère des Transports du Québec vient d’annoncer qu’il entend mettre cette vision à l’œuvre. « Reste à voir comment elle sera appliquée », dit Jeanne Robin.
Votre quartier « score-t-il »?
L’indice américain Walk Score permet de repérer les quartiers propices à la marche en calculant la distance entre votre domicile (ou futur domicile!) et les écoles, parcs et services de proximité. Il suffit d’entrer son adresse et le tour est joué.
La valorisation de la marche comme moyen de transport exige également de repenser nos quartiers, poursuit Jeanne Robin. « Les piétons veulent un accès rapide aux services de proximité », ce qui équivaut grosso modo à une distance de moins d’un kilomètre. En ce moment, environ la moitié des déplacements de cette catégorie se font encore en voiture dans les centres urbains du Québec, selon Piétons Québec.
Bref, il y a du chemin à faire. « Mais on voit que les mentalités changent au pas de course. Partout, Piétons Québec reçoit un accueil chaleureux. Les gens comprennent qu’en mettant le piéton au cœur du développement urbain, on travaille dans l’intérêt général », soutient Jeanne Robin.
Reste plus qu’à espérer que les piétons pourront bientôt prendre leur pied en marchant dans les villes du Québec, tout en neutralisant quelques gaz à effet de serre dans la foulée…