Dossier spécial : Cargos neutres , partie 4

Et si on jetait les camions dans le fleuve?

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© Sébastien Thibault
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L’Union des municipalités du Québec veut remplacer des camions par des bateaux afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre du secteur du transport. Mais pour passer de la parole aux actes, il faudra surmonter les nombreux défis qui se dressent sur les futures routes maritimes du Québec.

Depuis deux ans, les quatre bateaux des Barges de Matane sillonnent l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent pour transporter essence, machinerie et matériaux de construction vers la Basse-Côte-Nord, les îles de la Madeleine ou la Nouvelle-Écosse. Autant de camions en moins sur les routes, d’après le président de l’entreprise, Paul Gauthier, qui y voit un formidable potentiel de réduction des gaz à effet (GES) du secteur du transport, premier contributeur aux émissions québécoises (près de 42 % en 2015).

« On place l’équivalent de 80 camions sur une barge, et on a une seule machine qui boucane! » En moyenne, déplacer une tonne de marchandises sur un kilomètre par bateau émet 11,9 grammes de CO2 alors que par camion, c’est 75,5 grammes, selon une analyse de l’organisme Research and Traffic Group.

Les quatre embarcations des Barges de Matane desservent le Saint-Laurent et son golfe, incluant la Côte-Nord la Basse-Côte-Nord, les Provinces maritimes, le Nunavik, la Baie-James et la Baie d'Hudson. © Barges de Matane

Des maires se mouillent

L’existence des Barges de Matane ravit le maire de la ville, Jérôme Landry, qui est aussi le premier président du nouveau Comité maritime de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), fondé l’an passé. Le sympathique maire a fait de la réduction du transport routier au profit du trafic maritime son cheval de bataille. Il pilote notamment le projet de « transport maritime courte distance » (TMCD) – malgré le grand nombre de milles marins parcourus, c’est ainsi qu’on désigne les services de transporteurs qui ne traversent pas d’océans –, qui réunit une trentaine de municipalités fluviales ou maritimes comme Valleyfield, Gaspé et Sept-Îles. L’intention est en phase avec la Stratégie maritime du gouvernement du Québec, qui vise à ce que le TMCD, qui représente 20 % du trafic maritime des ports du Saint-Laurent, « atteigne son plein potentiel » d’ici 2030, sans toutefois chiffrer l’objectif.

« Ce que l’on souhaite, c’est trouver le meilleur moyen de transport pour chacun des produits actuellement livrés au Québec, explique le maire. Le transport maritime pourrait aller chercher certains volumes qui soulageraient le réseau routier. » Jérôme Landry espère ainsi réduire la congestion, mais aussi freiner la « désuétude accélérée » des infrastructures routières, dont les coûts de réfection sont en partie absorbés par les municipalités.

« Les gros réseaux de vente en ligne comme Amazon garantissent la livraison en 48 heures. […] Mais est-on obligé de recevoir ses skis dans deux jours alors qu’il n’y aura de la neige qu’en décembre? »
Jérôme Landry, maire de Matane

Si la nourriture périssable ne se prête pas toujours bien à l’exercice, d’autres marchandises sont parfaitement adaptées au transport par bateau, poursuit le maire. « Prenez les produits pétroliers : des camions font la distribution en partant directement des raffineries de Montréal ou de Lévis, puis y retournent dans la même journée. Pourtant, on a à Matane cinq réservoirs inutilisés que des bateaux remplissaient autrefois d’essence, avant qu’elle soit redistribuée dans tout l’Est-du-Québec. »

Le principal ennemi du transport maritime courte distance demeure la flexibilité du transport par camion, note le maire : « Si je veux envoyer du bois en Nouvelle-Écosse, j’ai un seul appel à faire. Le transporteur va venir le chercher dans la cour à bois et l’apporter au destinataire. Mais dans le secteur maritime, il y a plusieurs intervenants, et il faut vraiment qu’on réussisse à simplifier le service. »

Allô, Amazon?

« Le défi majeur est de convaincre les expéditeurs », renchérit Claude Comtois, professeur à l’Université de Montréal et spécialiste du transport. « Le principal avantage [du transport maritime] concerne l’empreinte environnementale, et de loin. » D’après l’Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2015 et leur évolution depuis 1990, le transport routier représente à lui seul 78,8 % des émissions de GES du secteur du transport, soit 32,8 % des émissions totales, alors que le transport maritime ne correspond qu’à 0,9 % des émissions totales au Québec.

Pourtant, ces considérations environnementales sont absentes de l’équation économique. « Un armateur qui veut naviguer sur le Saint-Laurent doit entre autres assumer des frais de déglaçage l’hiver et des droits de quayage [imposés par les ports pour charger ou décharger des marchandises à quai], explique Jérôme Landry. Les transporteurs routiers, eux, ne paient pas pour le déneigement des routes, ni pour la sécurité du réseau routier assuré par la SQ. »

La Stratégie maritime mentionne des « mesures fiscales » pour encourager le transport maritime courte distance. En Europe, les subventions lui ont permis d’atteindre 40 % des échanges intracontinentaux. Les ports y ont adopté une approche concertée afin de réduire les investissements et les frais d’exploitation, chacun misant sur ses spécialités plutôt que de se lancer dans une surenchère. Espérons que ce soit bientôt le cas au Québec, car Ottawa a cédé, au début du mois d’août, quatre ports de l’est du Québec (Matane, Gaspé, Rimouski et Gros-Cacouna) au gouvernement provincial, une mesure assortie d’une somme de 163 millions de dollars pour les remettre à niveau.

Le maire de Matane, Jérôme Landry, a fait de la réduction du transport routier au profit du trafic maritime son cheval de bataille. © Caroline Vukovic

Si le projet de TMCD de l’UMQ est prévu pour la fin de 2019, vous avez, d’ici là, la possibilité d’encourager le transport par bateau plutôt que par camions lourds, croit Jérôme Landry qui appelle à un changement des habitudes de consommation.

« Les gros réseaux de vente en ligne comme Amazon garantissent la livraison en 48 heures. Cela augmente le volume du transport effectué par des camions de grandes dimensions qui sont souvent très peu chargés. Mais est-on obligé de recevoir ses skis dans deux jours, alors qu’il n’y aura de la neige qu’en décembre? » Avant de dévaler les pistes, on pourrait leur permettre de prendre une bouffée d’air marin.

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Les flots plutôt que l’asphalte

Au Québec, en 2015, un peu moins de 1 % des émissions de GES étaient issues du transport maritime, contre presque 33 % pour le transport routier, selon le dernier inventaire québécois des émissions de GES. Le secteur maritime compte pour un tiers du tonnage de marchandises ayant le Québec comme origine ou destination, alors que les modes routier et ferroviaire se partagent les deux tiers restants, selon l’Association québécoise des transports. Voilà qui confirme que le transport maritime est bien le mode de transport le plus sympa pour le climat!