Dossier spécial : « Décarboner » en famille , partie 3

Petit geste deviendra grand

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© Sébastien Thibault
Created with Lunacy 4 min

Une vie à faible impact carbone, ça commence à la garderie. Du moins dans certains CPE du Québec qui mettent l’action face aux changements climatiques au cœur de leurs activités. Visite guidée.

Dès son ouverture en 2015, le centre de la petite enfance (CPE) Tortue têtue a pris le pari d’encourager l’utilisation de couches en coton, quitte à bouleverser les habitudes des parents ou des éducateurs. « Jusqu’à 90 % des déchets dans un CPE viennent des couches jetables », lance Sylvie Martel, la directrice de cette garderie située au rez-de-chaussée d’un pavillon de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). À l’aube de la retraite, cette femme d’expérience parle avec fierté de l’établissement qu’elle a participé à mettre sur pied.

Comme la garderie accueille surtout les enfants de parents étudiants, il fallait trouver un moyen efficace et peu coûteux de faciliter la location, le transport et le nettoyage des couches. « En 2016, nous sommes allés chercher une subvention de 4000 $ [du Fonds vert de l’UQAM] qui nous permettait d’offrir aux parents un service de couches lavables pour 1 $ par jour, en collaboration avec un OBNL local », raconte la directrice. Pour elle, il n’y a pas de concessions à faire, du moins avec le personnel. « Dès l’embauche, nous expliquons à nos éducatrices le mode de fonctionnement de notre CPE. On leur dit : “C’est comme ça que vous faites maintenant.” »

Jetables ou lavables, les parents ont le choix au CPE Tortue têtue où les couches réutilisables ont de plus en plus la cote. © Tortue têtue

Certains parents ont recours aux couches jetables, mais ils constituent une minorité, poursuit-elle : 64 % des bambins de la garderie qui ne sont pas encore « propres » portent des couches lavables. Concrètement, au CPE Tortue têtue, cette économie (20 160 couches par an) permet d’éviter de rejeter environ 1600 kg de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. C’est l’équivalent d’un voyage aller-retour en avion en Floride pour une personne.

« Il y a certainement un effet d’entraînement. Comme les mères viennent allaiter sur l’heure du dîner, elles discutent entre elles et plusieurs ont décidé de s’y mettre aussi », ajoute la directrice.

Infographie : Marie Leviel

Des CPE certifiés durables

Tortue têtue fait partie des 18 garderies de huit régions du Québec à avoir reçu la certification CPE durable, reconnue par le ministère de la Famille et octroyée par l’organisme d’éducation ENvironnement JEUnesse (ENJEU). Depuis 2014, cet organisme offre des services d’accompagnement aux établissements voulant effectuer un virage vert et reconnaît leurs efforts en attribuant cinq niveaux de certification, depuis le « démarrage » jusqu’à l’étoile de l’« excellence ».

De la lutte au gaspillage à l’achat d’aliments locaux, les CPE certifiés sont des pionniers en matière de réduction de l’empreinte écologique. Par exemple, le CPE Joli-Cœur, qui compte quatre établissements dans la région de Québec, a pour sa part déclaré la guerre au plastique. Exit les garages, maisonnettes et autres châteaux en plastique! Blocs de bois, coquillages, rouleaux de carton et morceaux de tissu ont remplacé les jouets « à usage unique » en plastique, explique Isabelle Dubé, directrice adjointe à la pédagogie.

Fini les jouets en plastique au CPE Joli-Coeur.
Dehors aussi, place au bois pour les jeux d'enfants.

« Si nous gardons un jouet, il faut qu’il puisse servir à plus qu’une chose », dit-elle. Les jouets en bois ont des propriétés variées qui contribuent à l’éveil des sens, selon elle. « La densité, le volume, la texture sont plus variés, tandis que le plastique est insipide. »

Grandeur nature

Au CPE Joli-Cœur comme à la Tortue têtue, sensibiliser les enfants à l’importance de la nature fait aussi partie de la mission. Dans la petite cour de la Tortue têtue, par exemple, un potager côtoie le traditionnel carré de sable et une maisonnette de jeu en bois. Ici, ce sont les enfants qui font pousser les légumes qui se retrouvent dans leur lunch, une façon de les familiariser avec les cycles de la nature et la provenance de leur nourriture. « Nous avons produit beaucoup de poivrons cette année », mentionne la directrice.

Les légumes du potager du CPE Tortue têtue se retrouvent dans les assiettes des enfants.
Les mains dans la terre pour reconnecter avec la nature.

D’ailleurs, lors de ma visite en ce jeudi chaud de septembre, le cuisinier est justement occupé à couper des légumes. Deux petites filles discutent avec lui, assises au comptoir de la cuisine à aire ouverte [en bois et fait sur mesure par une entreprise de réinsertion sociale locale, comme tout le mobilier de la garderie]. Il prépare le repas pesco-végétarien, comprenant le plus possible de produits biologiques et locaux, qui sera servi un peu plus tard aux enfants.

« Nous offrons un lunch sans viande par souci environnemental, mais nous avons aussi découvert que notre politique répondait à un besoin de certains parents », précise Sylvie Martel. Le CPE organise également des pique-nique zéro déchet avec les plus grands, pour leur apprendre à employer des plats réutilisables. Un prélude à l’école primaire!

Mille et un gestes

Tandis que d’appétissantes odeurs s’échappent de la cuisine, les enfants s’amusent à dessiner sur les murs, une façon d’économiser le papier destiné au coloriage ou au bricolage, mentionne Sylvie Martel. « Ils sont recouverts de formica, donc lavables. »

Un peu plus loin, un bac grouillant de vers de terre enseigne les rudiments du vermicompostage aux enfants. « Le cuisinier prépare la collation des vers, mais ce sont les enfants qui les nourrissent! » ajoute Sylvie Martel. Je note aussi au passage une boîte de vêtements « à donner », prêts à trouver un nouveau propriétaire. Le tout forme un espace d’éducation où les enfants apprennent que chaque geste compte pour diminuer l’empreinte écologique.

Même préoccupation au CPE Joli-Cœur, qui propose aux enfants des contacts fréquents avec la nature qui les entoure, d’autant que tous ces établissements (notamment à Lac-Beauport et à Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier) jouxtent des boisés, explique Isabelle Dubé. « Les enfants sont très sensibles à l’enseignement qu’on leur offre, dit-elle. Lorsque nous sommes en sortie dans la nature, ils voient tout de suite les déchets et insistent pour qu’on les ramasse! »

Diminuer le plastique, passer aux couches réutilisables, adopter une alimentation locale et végétarienne, enseigner le recyclage, faire du compost… la liste des mesures qu’un CPE peut mettre en place est longue. Mais l’ampleur de la réduction des GES pourra être déterminée au cours de la vie de ces futurs leaders, qui auront pris les bonnes habitudes dès le plus jeune âge. Et ça, c’est impossible à calculer.

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Saut de qualité

La certification CPE durable, qu’est-ce que ça mange en hiver? On a demandé à Catherine Gauthier, directrice générale d’ENvironnement JEUnesse, l’organisme qui l’attribue, de nous éclairer.

D’où vient l’idée d’offrir une certification pour les CPE?

Notre mission est de faire la promotion de l’environnement auprès des jeunes. Depuis 2004, on accompagne les cégeps dans l’obtention de la certification Cégep vert du Québec, ce qui a contribué à nous faire connaître. En parallèle, on recevait beaucoup d’appels de CPE qui nous demandaient un accompagnement similaire et nous avons finalement réussi à nous y mettre en 2014.

Pourquoi cibler les CPE?

Il n’y a pas d’âge pour apprendre les bonnes pratiques, mais les enfants ont une capacité d’apprentissage, une flexibilité unique. Les CPE offrent aussi une occasion incroyable, puisque chaque établissement peut choisir ses outils éducatifs, comme des potagers, des cours de cuisine. Grâce à ces activités, même si ces pratiques ne sont pas adoptées à la maison, les enfants y sont quand même exposés. À long terme, on veut former la relève de jeunes leaders en environnement.

Comment les directions de CPE ont-elles réagi à la certification?

La réponse a été très enthousiaste. Clairement, nous répondons à un besoin. Il n’y a parfois que quelques personnes, dans un établissement, qui sont motivées à obtenir la certification, parfois juste une. On offre de l’accompagnement à ces gens, des opportunités de réseautage. Ça leur permet de constater qu’ils ne sont pas seuls! Ça permet aussi de voir ce qui se fait ailleurs, d’avoir des idées, d’imaginer comment les choses peuvent être mises en place. Nous croyons beaucoup au partage de connaissances.

Ça sent meilleur

Selon une étude réalisée en Grande-Bretagne par l’Agence pour l’environnement, un organisme public non ministériel, un enfant qui porte des couches jetables de sa naissance jusqu’à l’âge de deux ans et demi génère environ 550 kg de CO2. C’est autant de gaz à effet de serre (GES) qu’une voiture parcourant 2600 km, soit la distance séparant Montréal de Miami. Avec des couches réutilisables, lavées à la maison, l’empreinte carbone d’un petit Québécois tourne quant à elle autour de 250 kg de CO2.

Le CPE la Tortue têtue fait affaire avec l’OBNL Lange bleu, qui loue aux garderies des lots de couches lavables et en assure l’entretien à Montréal. Les couches sont fabriquées et réparées à Montréal, lavées sans chlore ni javel et séchées à la vapeur. Sans pouvoir chiffrer l’impact carbone réel de ces couches lavables, on peut présumer qu’avec les économies d’échelle liées à l’intervention de Lange bleu, l’abandon des couches jetables sent vraiment meilleur pour le climat!

[Dossier spécial] « Décarboner » en famille

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