Pourquoi parle-t-on d’empreinte « carbone » ou de taxe « carbone » quand on évoque les changements climatiques? La question mérite qu’on s’y arrête.
Le carbone, dont le symbole est C, est un des éléments chimiques naturels, tout comme l’oxygène (O), l’azote (N) ou le fer (Fe). C’est l’élément de base de la matière organique, c’est-à-dire des êtres vivants. Le carbone est notamment un élément central de la structure des protéines et de l’ADN, des molécules essentielles à la vie. On le retrouve également dans la matière inorganique, entre autres dans le dioxyde de carbone (CO2) et dans le carbonate de calcium (CaCO3), qui forme le calcaire et la coquille des mollusques.
Le cycle du carbone
Sur la Terre, les composés à base de carbone participent à un ensemble de processus naturels interreliés que l’on appelle le « cycle du carbone », un maillon essentiel au fonctionnement du climat. Ce cycle détermine notamment la répartition des molécules à base de carbone dans l’atmosphère, les cours d’eau, les océans, le sol et la croûte terrestre.
L’une des principales molécules qui intervient dans le cycle du carbone est le CO2, qui est présent dans l’atmosphère, se dissout dans les océans, et est fixé et rejeté par les plantes. Le monde vivant participe également à ce cycle de manière indirecte, puisque la décomposition de la matière organique produit du CO2 sur de courtes périodes. Cette matière se transforme aussi sur des centaines de milliers ou des millions d’années dans des conditions de température et de pression extrêmes à de grandes profondeurs dans le sol, un phénomène qui conduit à la formation des stocks d’hydrocarbures, comme le pétrole, le charbon ou le gaz naturel.
Un cycle perturbé par les activités humaines
Or, la combustion intensive de ces hydrocarbures par les êtres humains altère les concentrations et la répartition des molécules qui influencent le climat, notamment le CO2, ce qui modifie le cycle naturel du carbone et, par conséquent, le climat. Le cycle du carbone est en fait perturbé par tous les gaz à effet de serre (GES) émis par les activités humaines.
C’est donc en référence aux GES, notamment au CO2, et à leur influence sur le cycle du carbone que l’on appose le terme « carbone » à d’autres mots dans des expressions comme « empreinte carbone », « bilan carbone » ou « taxe carbone ». Cela semble d’autant plus justifié que le CO2 est aussi le principal GES émis par l’être humain. Il serait cependant plus précis de parler par exemple « d’empreinte GES », « d’empreinte CO2 » ou de « taxe sur le CO2 ».
Émissions de carbone
C’est pour la même raison qu’on utilise le terme d’« émissions de carbone » pour « émissions de CO2 ». Cependant, les activités humaines ne génèrent pas que du CO2; elles produisent aussi d’autres GES. Ainsi, pour bien évaluer l’impact d’une industrie ou d’une nation sur le climat, il faut déterminer l’effet combiné de tous les GES émis. Il faut donc établir la quantité de chaque GES libéré dans l’atmosphère. Or, à masses égales, les GES n’ont pas le même impact sur le climat, ce qui complexifie les comparaisons.
Pour remédier à cette difficulté, on utilise le CO2 comme gaz étalon. Ainsi, plutôt que de donner la masse de chaque GES émis, on donne la masse équivalente de CO2 qu’il faudrait pour observer le même impact sur le réchauffement. On emploie donc comme unité la tonne d’équivalent CO2 (t éq. CO2). Par exemple, une tonne de méthane correspond, sur le plan du réchauffement, à 25 t éq. CO2, ce qui illustre d’ailleurs le fort potentiel de réchauffement de ce gaz.
L’estimation des émissions de tous les GES est cependant complexe, de sorte que l’on se contente souvent d’évaluer seulement celles de CO2. Heureusement, le CO2 étant le GES prédominant, cela permet quand même d’avoir une bonne idée de la quantité de GES émise.
Thierry Lefèvre, professionnel de recherche à la Faculté des sciences et de génie de l’Université Laval, est membre du regroupement Des Universitaires.